Retour Chrono-textes Antoine, baron d'André président de l'Assemblée constituante
BULLETIN DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE - 1790

Extrait du registre des délibérations relatives à la maréchaussée
Suite du rapport de M. NOAILLES


Délibération Vendredi 24 Décembre 1790
Deuxième année de la Liberté


BULLETIN DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Présidence de M. Dandré
(séance du mercredi 21 décembre1790)

L'établissement du jury proposé à l'Assemblée nationale a été combiné avec le plan d'organisation de la maréchaussée. Les comités réunis avaient pensé que dans un pays où les lois portent un caractère de respect pour la liberté individuelle des citoyens, où elle est investie des plus grandes précautions, où les lois ne punissent qu'après le plus sévère examen, il doit y avoir une grande facilité pour arrêter les prévenus ; que surtout la sûreté publique demande que les preuves des délits ne périclitent pas. Ils ont donc cru qu'en supprimant les sièges de maréchaussée, il convenait de laisser à ce corps les fonctions qui peuvent servir à constater ces preuves fugitives du crime qui doivent éclairer les tribunaux.

L'avancement a été combiné de manière que les simples cavaliers qui ont des talents et de l'intelligence puissent parvenir au grade de colonel et que cependant les places d'officier soient principalement remplies par des hommes à qui l'éducation aura donné les connaissances nécessaires pour remplir cette portion de fonctions civiles qui leur est confiée par le projet du jury. Le grade de colonel sera le plus haut auquel ils puissent parvenir il n'est pas convenable d'élever au commandement de l'armée des hommes uniquement occupés d'un service absolument différent.

On propose cependant diverses suppressions soit de certaines compagnies qui portent le nom de maréchaussée, soit d'officiers placés hors de la ligne. On a pensé que l'inspection de la maréchaussée serait facilement exécutée par les officiers généraux employés dans les départements et qu'une inspection faite par des hommes étrangers au corps n'en serait que plus sévère. Les inspecteurs généraux seront donc supprimés. Les comités avaient d'abord pensé à placer une division de maréchaussée par deux départements ; de cette manière les six inspecteurs généraux supprimés auraient pu devenir chefs de division avec titre de colonels et les comités, en supprimant les places, auraient eu la satisfaction de pas supprimer les personnes. Mais il leur a paru ensuite que c'était multiplier les divisions sans nécessité pour le service ; qu'il est de principe, dans le nouveau régime militaire, qu'on ne puisse porter titre de colonel si l'on ne commande un certain nombre d'hommes. Ils ont observé d'ailleurs que les inspecteurs étant sortis de la ligne ; il suit des ordonnances, que les officiers de ce genre ne peuvent pas redescendre dans le rang ; ils se sont donc arrêtés à donner trois départements à chaque division. Il sera facile à quelques uns des inspecteurs supprimés d'être placés dans l'armée et la moitié d'entre eux a mérité par ses services les récompenses ou la retraite qui sont accordées par ces décrets.

On a supprimé de plus une inspection particulière accordée au lieutenant de prévôt de la compagnie de l'Ile de France parce qu'elle gênerait l'uniformité du régime et la simplicité de l'inspection. Cet officier garde cependant son grade de lieutenant et le plan des comités lui permet d'arriver à celui de lieutenant-colonel. Les autres suppressions tombent sur des compagnies portant le nom de maréchaussées mais dont le service n'était point analogue au service général de ce corps ou dont les fonctions particulières sont désormais inutiles.

La compagnie des chasses et voyages du roi créée en 1772 sous le nom de maréchaussée à la suite de la cour ne faisait que secondairement des fonctions civiles.  Durant les voyages elle accompagnait le roi ; dans l'intervalle des voyages ses brigades étaient incorporées dans celles de la maréchaussée à qui elles remettaient leurs captures. Les comités ont pensé que cette compagnie ainsi distinguée par des fonctions particulières ne pouvait pas faire partie du corps de la maréchaussée. La Compagnie à la suite des Maréchaux de France n'avait de la maréchaussée que le nom et ne faisait aucun service ; ses membres n'étaient pas réunis et leurs places données par les maréchaux de France

ou par ceux qu'ils autorisaient à les donner et qui étaient dans le commerce durant la vie de celui qui les avait accordées, n'étaient que des titres de faveur ou de privilège. La Compagnie de la Connétablie était instituée pour instruire auprès des tribunaux des maréchaux de France sur les affaires du point d'honneur : les tribunaux d'exception étant tous supprimés, cette compagnie devient inutile. Elle faisait aussi le service à l'armée; ce service sera rempli, selon l'ancien usage par la maréchaussée.

Il est juste que les officiers, cavaliers et gardes, qui ont acquis les charges de la connétablie soient remboursés.

Le prévôt et les lieutenants de la Compagnie des Monnaies connaissaient les délits commis par les justiciables de la Cour des Monnaies. Cette attribution et ce genre de service ne subsistent plus ; cette compagnie était d ailleurs sans territoire, ou plutôt elle exploitait dans tout le royaume, ce qui ne peut convenir au système général d'une maréchaussée uniforme. Il y a encore ici quelques charges à rembourser.

Quant aux hommes qui composaient ces compagnies, l'esprit de justice qui a guidé les comités les engage à proposer que dans l'augmentation de la maréchaussée, les officiers, sous-officiers, cavaliers et soldats des compagnies supprimées soient préférés, toutes choses d'ailleurs égales, à ceux qui se présenteront à la prochaine formation. Ils demandent la même faveur pour la compagnie du Clermontois. Cette compagnie appelée du Prince de Condé était nommée par lui, à ses ordres et à son service, et revêtue d'un uniforme particulier. Depuis son absence les habitants du pays ont désiré qu'elle prit l'habit et qu'elle remplit les fonctions de la maréchaussée de France ; elle l'a fait ; elle a rendu des services dans le pays en y maintenant l'ordre et la tranquillité ; elle a servi sans gages ; elle est d'ailleurs très peu nombreuse et ne se porte pas à vingt hommes. Les comités proposent qu'il leur soit également permis de s'incorporer, pourvu qu'ils remplissent les conditions exigées par le projet de décret.

Il reste une compagnie de maréchaussée appelée de Robe Courte. Elle est d'une très ancienne création ; elle avait des fonctions particulières auprès du parlement et des autres tribunaux ; c'était de garder les prisons, de veiller à la sûreté de la capitale, d'arrêter tout délinquant en flagrant délit ou à la clameur publique, et de transférer les prisonniers aux prisons dans Paris et dehors. Ce service particulier mérite d'être conservé et par conséquent la compagnie qui est de tout temps accoutumée à le faire. Les comités proposent donc de la conserver pour servir auprès des tribunaux de Paris sous le nom de Garde judicielle ; ils proposent même d'y ajouter quelques hommes de manière qu'ils puissent désormais se reposer de trois jours deux. Elle est d'ailleurs incorporée dans la maréchaussée et gendarmerie nationale des départements dont elle fait partie intégrante.

Les comités proposent de porter la totalité de la maréchaussée au nombre de sept mille quatre cent vingt hommes ; elle est actuellement d'environ quatre mille sept cents hommes. Les besoins du moment font sentir la nécessité d'une force publique très active et présente partout et nous pouvons assurer que c'est le vœu des peuples. La raison tirée de la dépense ne semble pas devoir arrêter quand on songe à l'empire des circonstances actuelles. Mais nous devons faire observer que la dépense que nous proposons n’excède pas de beaucoup les frais et surtout l'impôt de la maréchaussée précédente. Les comités proposent de supprimer tous les bénéfices hors de son salaire qu'elle était accoutumée de recevoir soit par des taxes exécutoires sur le domaine public à raison des captures, soit par des bénéfices d'amende, soit par des gratifications du roi, des États ou pour services rendus aux particuliers. Cet impôt sur le trésor et sur le public était très considérable et nous ne craignons pas d'avancer que la compagnie de l'Ile de France seule recevait, seulement de



l'exécutoire sur les domaines de 50 à 60,000 livres par an.

Tout le reste des bénéfices était proportionné à celui là, et des calculs approximatifs nous permettent d'assurer que ces bénéfices pris sur le public pouvaient se porter à 3 millions par an dans l'étendue du royaume ; impôt désastreux et désordonné, l'un des fruits ordinaires de l'ancien régime. L'Assemblée nationale pensera sûrement que les officiers et cavaliers de la maréchaussée doivent recevoir un salaire honnête qui les dispense désormais de ces odieuses ressources et qui les ennoblisse aux yeux de la nation et à leurs propres yeux.

Les quatre mille sept cents hommes de la maréchaussée coûtaient donc
  • Pour le paiement annuel et fixe 4,300,000 livres
  • Maréchaussée de l'Ile de France 300,000 livres
  • Bénéfices pris sur le domaine ou sur le public 3,000,000 livres
Total 7,600,000 livres.

Ce qui faisait environ 1,650 livres par homme l'un portant l'autre : la Robe Courte n'y est pas comprise.

Les sept mille quatre cent vingt hommes que nous proposons de former coûteront 8,500,000 livres ce qui fait environ 1,420 livres par homme.

Nous proposons une augmentation pour les officiers et cavaliers servant dans Paris à cause des frais plus considérables qu'occasionne le séjour de la capitale ; cependant nous ne l'avons pas doublée comme on l'a fait pour les autres officiers publics, et des calculs qui devaient nécessairement être plus modérés, nous ont engagés à proposer que les traitements y soient augmentés d'un tiers en sus pour ceux qui résideront à Paris et d'un quart pour ceux qui résideront dans les cinq lieues aux environs de la capitale. Nous avons fait une exception pour ceux qui sont actuellement pourvus, que notre projet réduit de leur ancien traitement et qui devaient recevoir quelque dédommagement et nous portons leur augmentation à la moitié pour ceux qui résident dans Paris et au tiers pour ceux qui résident dans les cinq lieues aux environs de Paris.

Les comités proposent enfin des moyens d'encouragement peu coûteux pour le bien du service et pour le gouvernement intérieur de la masse, un conseil d'administration composé de manière que les dépenses communes puissent en tout temps être connues des intéressés. Comme le vœu de la constitution est d'augmenter le nombre des citoyens actifs de manière qu'un jour ce soit le titre de tous les citoyens du royaume, les comités proposent que tous les officiers et cavaliers de service jouissent des droits de citoyen actif. Cette vue morale et politique est très propre à leur donner de hautes et de justes idées de leurs fonctions et d'eux mêmes ; ce sera pour eux un motif de plus à se respecter et à respecter les lois. Il est quelques autres dispositions particulières dans le projet de décret dont la seule lecture fera connaître les intentions. Après une légère discussion l'Assemblée adopte les articles suivants :


Titre 1er - Composition du Corps

  • Art Ier. La maréchaussée portera désormais le nom de Gendarmerie nationale.
  • II.  Elle fera son service, partie à pied, partie à cheval selon les localités et comme il sera réglé par les administrations et directoires de département après avoir pris l'avis des colonels qui seront établis ; et néanmoins les gendarmes nationaux à cheval feront le service à pied quand il leur sera ordonné.
  • III. Celte troupe sera portée jusqu'au nombre de ...non comprise l'augmentation qui va être décrétée pour les trois départements de Paris, Seine et Oise et Seine et Marne.
  • IV. La gendarmerie Nationale sera organisée par divisions, chaque division comprendra trois départements ; une seule de ces divisions comprendra quatre départements.
  • V. Le service de la Corse sera fait par une division particulière de vingt-quatre brigades
  • VI. Le nombre moyen des brigades de gendarmerie nationale des départements sera de quinze par chaque département.
  • VII. Et néanmoins il y aura des départements réduits à douze brigades et d'autres qui en auront dix huit selon les localités et les besoins du service.
  • VIII.  Il y aura deux compagnies par département et les distributions des brigades seront déterminées par le corps législatif sur la proposition des directoires de département qui prendront l'avis des colonels.
  • IX. Il y aura à la tête de chaque division un colonel et dans chaque département sous ses ordres un lieutenant-colonel qui aura sous les siens deux compagnies commandées chacune par un capitaine et trois lieutenants.
  • X.  Un secrétaire greffier sera attaché à chaque département et servira près du lieutenant-colonel sous l'autorité du colonel.
  • XI. Chacun des lieutenants aura sous ses ordres un maréchal des logis et un ou deux brigadiers.
  • XII. Chaque maréchal des logis sera à la tête d'une des brigades et sera en même temps chef d'une ou deux autres brigades selon les distributions mentionnées dans les articles VI;VII ;VIII précédents .
  • XIII. Les autres brigades subordonnées à chaque maréchal des logis auront chacune un chef particulier lequel portera le nom de brigadier.
  • XIV. Chaque brigade sera composée de cinq hommes y compris le maréchal des logis ou le brigadier.
  • XV. Chacun des trois lieutenants attachés à chaque compagnie pourra commander toutes les brigades et, en cas de concours ,le commandement appartiendra au plus ancien des lieutenants .
  • XVI. Les résidences des lieutenants-colonels, capitaines et lieutenants seront disposées de manière qu'ils soient à portée de chacun des districts et que leur service puisse être uniforme, prompt et également réparti. Cette disposition sera faite définitivement par le corps législatif d'après l'avis des directoires de département qui sera provisoirement exécuté.

TITRE IIFormation et avancement 

  • Art Ier. Il ne sera reçu aucun gendarme national qui n'ait vingt-cinq ans accomplis, qui ne sache lire et écrire et qui n'ait fait au moins un engagement sans reproche dans les troupes de ligne, sans qu'il puisse y avoir plus de trois ans d'intervalle depuis la date de son congé.
  • II. Ceux qui voudront devenir gendarmes nationaux se feront inscrire sur un registre qui sera ouvert dans chaque directoire de département. Le colonel présentera au directoire pour chaque place vacante dans l'étendue du département, cinq sujets inscrits sur la liste de département ayant les qualités requises. Le département en choisira dans les cinq un qui sera pourvu par le roi . »
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