Retour Chrono-textes Louis XIV roi de France de 1638 à 1715
Ordonnance d'août 1670

Ordonnance criminelle.


Donnée à Saint-Germain-en-Laye en août 1670




Louis, par la grace de Dieu, Roy de France et de Navarre : A tous présens et à venir : Salut.

« Les grands avantages que nos sujets ont reçus des soins que nous avons employés à réformer la procédure civile par nos ordonnances du mois d'avril 1667, et d'août 1669, nous ont porté à donner une pareille application au règlement de l'instruction criminelle qui est d'autant plus importante, que non seulement elle conserve les particuliers dans la possession paisible de leurs biens, ainsi que la civile, mais encore elle assure le repos public, et contient par la crainte des châtiments ceux qui ne sont pas retenus par la considération de leur devoir. A ces causes,etc., ordonnons, et nous plaît, ce qui s'ensuit… »

TITRE PREMIER

De la compétence des juges


Article premier

La connaissance des crimes appartiendra aux juges des lieux où ils auront été commis, et l'accusé y sera renvoyé, si le renvoi en est requis ; même le prisonnier transféré aux frais de la partie civile, s'il y en a, sinon à nos frais, ou des seigneurs.

Article II

Celui qui aura rendu sa plainte devant un juge ne pourra demander le renvoi devant un autre, encore qu'il soit juge du lieu du délit.

Article III

L'accusé ne pourra aussi demander son renvoi après que lecture lui aura été faite de la déposition d'un témoin, lors de la confrontation.

Article IV

Les premiers juges seront tenus de renvoyer les procès et les accusés qui ne seront de leur compétence, par-devant les juges qui doivent en connaître, dans trois jours après qu'ils en auront été requis, à peine de nullité des procédures faites depuis la réquisition, d'interdiction de leurs charges, et des dommages et intérêts des parties qui en auront demandé le renvoi.

Article V

Les grosses des informations, et autres pièces et procédures qui composent le procès, ou qui auront été jointes ; ensemble toutes les informations, pièces et procédures faites par-devant tous autres juges concernant l'accusation, seront portées au greffe du juge par-devant lequel l'accusé sera traduit, s'il est ainsi par lui ordonné.

Article VI

Les frais pour la translation du prisonnier, et le port des informations et procédures, seront faits par la partie civile s'il y en a, sinon par le receveur de notre domaine, ou du seigneur de la juridiction qui en devra connaître : et pour cet effet sera délivré exécutoire par le juge qui en aura ordonné le renvoi ou le port des charges et informations.

Article VII

Nos juges n'auront aucune prévention entre eux ; au cas néanmoins que trois jours après le crime commis, nos juges ordinaires n'aient informé et décrété, les juges supérieurs pourront en connaître.

Article VIII

Ce que nous entendons avoir lieu entre les juges des seigneurs, encore que celui qui aurait prévenu, fût juge supérieur, et du ressort de l'autre.

Article IX

Nos baillis et sénéchaux ne pourront prévenir les juges subalternes et non royaux de leur ressort, s'ils ont informé, et décrété dans les vingt-quatre heures après le crime commis. N'entendons néanmoins déroger aux coutumes à ce contraires, ni à l'usage de notre Châtelet de Paris.

Article X

Nos juges prévôts ne pourront connaître des crimes commis par des gentilshommes ou par des officiers de judicature, sans rien innover, néanmoins, en ce qui regarde la juridiction des seigneurs.

Article XI

Nos baillis, sénéchaux et juges présidiaux, connaîtront privativement à nos autres juges, et à ceux des seigneurs, des cas royaux qui sont le crime de lèse-majesté en tous ses chefs, sacrilège avec effraction, rébellion aux mandements émanés de nous ou de nos officiers, la police pour le port des armes, assemblées illicites, séditions, émotions populaires, force publique, la fabrication, l'altération ou l'exposition de fausse monnaie, correction de nos officiers, malversation par eux commises en leurs charges, crimes d'hérésie, trouble public fait au service divin, rapt et enlèvement des personnes par force et violence, et autres cas expliqués par nos ordonnances et règlements.

Article XII

Les prévôts de nos cousins les maréchaux de France, les lieutenants criminels de robe courte, les vice-baillis, vice-sénéchaux, connaîtront en dernier ressort de tous crimes commis par vagabonds, gens sans aveu et sans domicile, ou qui auront été condamnés à peine corporelle, bannissement ou amende honorable. Connaîtront aussi des oppressions, excès ou autres crimes commis par gens de guerre, tant dans leur marche, lieux d'étapes, que d'assemblée et de séjour pendant leur marche ; des déserteurs d'armées, assemblées illicites avec ports d'armes, levée de gens de guerre sans commissions de nous, et de vols faits sur grand chemin. Connaîtront aussi des vols faits avec effraction, ports d'armes et violence publique dans les villes qui ne seront point de leur résidence, comme aussi des sacrilèges avec effraction, assassinats prémédités, séditions, émotions populaires, fabrication, altération ou exposition de monnaie, contre toutes personnes ; en cas toutefois que les crimes aient été commis hors des villes de leur résidence.

Article XIII

N'entendons déroger par le précédent article aux privilèges dont les ecclésiastiques ont accoutumé de jouir.

Article XIV

Les prévôts des maréchaux, vice-baillis et vice-sénéchaux, ne pourront juger en aucun cas à la charge de l'appel.

Article XV

Nos juges présidiaux connaîtront aussi en dernier ressort des personnes et crimes mentionnés ès articles précédents, et préférablement aux prévôts des maréchaux, lieutenants criminels de robe courte, vice-baillis et vice-sénéchaux, s'ils ont décrété, ou avant eux, ou le même jour.

Article XVI

Si les coupables de l'un des cas royaux ou prévôtaux ci-dessus, sont pris en flagrant délit, le juge des lieux pourra informer et décréter contre eux, et les interroger, à la charge d'en avertir incessamment nos baillis et sénéchaux, ou leurs lieutenants criminels par acte signifié à leur greffe : après quoi ils seront tenus d'envoyer quérir le procès et les accusés, qui ne pourront leur être refusés, à peine d'interdiction et de trois cents livres contre les juges, greffiers et geôliers, applicables moitié à nous, et l'autre moitié aux pauvres et aux nécessités de l'auditoire de nos baillis et sénéchaux, ainsi qu'il sera par eux ordonné.

Article XVII

Les lieutenants criminels des sièges où il y a présidial, seront tenus, dans les cas énoncés en l'article 12, ci-dessus, faire juger leur compétence par jugements en dernier ressort ; et pour cet effet porter à la chambre du conseil du présidial les charges et informations, et y faire conduire les accusés pour être ouïs en présence de tous les juges, dont ils seront tenus faire mention dans leurs jugements, ensemble des motifs sur lesquels ils seront fondés pour juger la compétence.

Article XVIII

Les jugements seront prononcés aussitôt aux accusés, et baillé copie, et procédé ensuite à leur interrogatoire, au commencement duquel sera encore déclaré, que le procès leur sera fait en dernier ressort.

Article XIX

N'entendons néanmoins rien innover à l'usage de notre Châtelet de Paris, dont les juges pourront déclarer aux accusés dans leur dernier interrogatoire sur la sellette, qu'ils seront jugés en dernier ressort ; si par la suite des preuves survenues au procès ou par la confession des accusés, il parait qu'ils aient été repris de justice, ou soient vagabonds et gens sans aveu.

Article XX

Tous juges à la réserve des juges et consuls, et des bas et moyens justiciers, pourront connaître des inscriptions de faux incidentes aux affaires pendantes par-devant eux, et des rébellions commises à l'exécution de leurs jugements.

Article XXI

Les ecclésiastiques, les gentilshommes et nos secrétaires, pourront demander en tout état de cause, d'être jugés toute la grand chambre du parlement, où le procès sera pendant, assemblée ; pourvu toutefois que les opinions ne soient pas commencées : et s'ils ont requis d'être jugés à la grand' chambre, ils ne pourront demander d'être renvoyés à la Tournelle. Ce qui aura lieu à l'égard des officiers de justice dont les procès criminels ont accoutumé d'être jugés ès grand' chambres de nos parlements.

Article XXII

Ne pourront les présidents, maîtres ordinaires, correcteurs, auditeurs, nos avocats et procureurs généraux de notre chambre des Comptes à Paris, être poursuivi, ès causes et matières criminelles ailleurs qu'en la grand' chambre de notre cour de parlement de Paris. Pourront néanmoins pour crime commis hors la ville, prévôté et vicomté de Paris, nos baillis et sénéchaux informer, et s'ils sont capitaux, décréter, à l'encontre d'eux, à la charge de renvoyer les procédures à la grand' chambre, pour être instruites et jugées : et au cas que les parties aient volontairement procédé par-devant eux, elles ne pourront se pourvoir à la grand' chambre que par appel.


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TITRE II

Des procédures particulières aux prévôts des maréchaux de France,
vice-baillis, vice-sénéchaux et lieutenants criminels de robe-courte.


Article premier

Les prévôts de nos cousins les maréchaux de France ne connaîtront d'autres cas que de ceux énoncés dans l'article 12, du titre de la compétence des juges à peine d'interdiction, de dépens, dommages et intérêts, et de trois cents livres d'amende, applicable moitié envers nous, et l'autre moitié envers la partie.

Article II

Ne pourront aussi recevoir aucune plainte, ni informer hors leur ressort, si ce n'est pour rébellion à l'exécution de leurs décrets.

Article III

Seront tenus de mettre à exécution les décrets et mandements de justice, lorsqu'ils en seront requis par nos juges, et sommés par nos procureurs ou par les parties, à peine d'interdiction et de trois cents livres d'amende, moitié vers nous, moitié vers la partie.

Article IV

Leur enjoignons d'arrêter les criminels pris en flagrant délit ou à la clameur publique.

Article V

Défendons aux prévôts de donner des commissions pour informer à leurs archers, à des notaires, tabellions, ou aucunes autres personnes, à peine de nullité de la procédure, et d'interdiction contre le prévôt.

Article VI

Pourront leurs archers écrouer les prisonniers arrêtés en vertu de leurs décrets.

Article VII

Seront tenus laisser aux prisonniers qu'ils auront arrêtés, copie du procès-verbal de capturé et de l'écrou, sous les peines portées par le premier article.

Article VIII

Les accusés contre lesquels le prévôt des maréchaux aura reçu plainte, informé et décrété, pourront se mettre dans les prisons du présidial du lieu du délit pour y faire juger la compétence, et à cet effet faire porter au greffe les charges et informations en vertu du jugement du présidial : ce que le prévôt sera tenu de faire incessamment.

Article IX

Les prévôts des maréchaux, en arrêtant un accusé, seront tenus faire inventaire de l'argent, hardes, chevaux et papiers dont il se trouvera saisi, en présence de deux habitants des plus proches du lien de la capture, qui signeront l'inventaire ; sinon déclareront la cause de leur refus, dont il sera fait mention, pour être le tout remis dans trois jours au plus tard au greffe du lieu de la capture, à peine d'interdiction contre le prévôt pour deux ans, dépens, dommages et intérêts des parties, et de cinq cents livres d'amende applicable comme dessus.

Article X

A l'instant de la capture, l'accusé sera conduit ès prison du lieu, s'il y en a ; sinon aux plus prochaines, dans vingt-quatre heures au plus tard. Défendons aux prévôts d'en faire chartre privée dans leurs maisons ni ailleurs, à peine de privation de leurs charges.

Article XI

Défendons à tous officiers de maréchaussée de retenir aucuns meubles, armes ou chevaux saisis ou appartenant aux accusés ; ni de s'en rendre adjudicataires sous leurs noms ou celui d'autres personnes, à peine de privation de leurs offices, cinq cents livres d'amende, et de restitution du quadruple.

Article XII

Les accusés seront interrogés par le prévôt en présence de l'assesseur, dans les vingt-quatre heures de la capture, à peine de deux cents livres d'amende envers nous ; pourra néanmoins les interroger sans assesseur au moment de la capture.

Article XIII

Enjoignons aux prévôts des maréchaux de déclarer à l'accusé au commencement du premier interrogatoire, et d'en faire mention, qu'ils entendent le juger prévôtalement, à peine de nullité de la procédure, et de tous dépens, dommages et intérêts.

Article XIV.

Si le crime n'est pas de leur compétence, ils seront tenus d'en laisser la connaissance dans les vingt-quatre heures au juge du lieu du délit, après quoi ne pourront le faire que par l'avis des présidiaux.

Article XV

La compétence sera jugée au présidial dans le ressort duquel la capture aura été faite dans trois jours au plus tard, encore que l'accusé n'ait point proposé de déclinatoire.

Article XVI

Les récusations qui seront proposées contre les prévôts des maréchaux, avant le jugement de la compétence, seront jugées au présidial, au rapport de l'assesseur en la maréchaussée, ou d'un conseiller du siège, au choix de la partie qui les présentera, et celle contre l'assesseur, aussi par l'un des officiers dudit siège : et les récusations qui seront proposées depuis le jugement de la compétence, seront réglées au siège où le procès criminel devra être jugé.

Article XVII

L'accusé ne pourra être élargi pour quelque cause que ce soit, avant le jugement de la compétence, et ne pourra l'être après que par la sentence du présidial ou siège qui devra juger définitivement le procès.

Article XVIII

Les jugements de compétence ne pourront être rendus que par sept juges au moins, et ceux qui y assisteront, seront tenus d'en signer la minute ; à quoi nous enjoignons à celui qui présidera et au prévôt de tenir la main, à peine contre chacun d'interdiction, de cinq cents livres d'amende envers nous, et des dommages et intérêts des parties.

Article XIX

La compétence ne pourra être jugée, que l'accusé n'ait été ouï en la chambre, en présence de tous les juges, dont sera fait mention dans le jugement, ensemble du motif de la compétence, sur les peines portées par l'article précédent contre le président, et de nullité de la procédure qui sera faite depuis le jugement de la compétence.

Article XX

Le jugement de compétence sera prononcé, signifié, et copie baillée sur-le-champ à l'accusé, à peine de nullité des procédures, et tous dépens, dommages et intérêts contre le prévôt et le greffier du siège où la compétence aura été jugée.

Article XXI

Si le prévôt est déclaré incompétent, l'accusé sera transféré ès prisons du juge du lieu où le délit aura été commis, et les charges et informations, procès-verbal de capture et interrogatoire de l'accusé, et autres pièces et procédures remises à son greffe : ce que nous voulons être exécuté dans les deux jours pour le plus tard, après le jugement d'incompétence, à peine d'interdiction pour trois ans contre le prévôt, de 500 livres d'amende envers nous, et des dépens, dommages et intérêts des parties.

Article XXII

Le prévôt qui aura été déclaré compétent sera tenu procéder incessamment à la confection du procès avec son assesseur, sinon avec un conseiller du siège où il devra être jugé, suivant la distribution qui en sera faite par le président.

Article XXIII

Si après le procès commencé pour un crime prévôtal, il survient de nouvelles accusations dont il n'y ait point eu de plainte en justice, pour crimes non prévôtaux, elles seront instruites conjointement, et jugées prévôtalement.

Article XXIV

Aucune sentence prévôtale, préparatoire, interlocutoire ou définitive, ne pourra être rendue qu'au nombre de sept, au moins, officiers ou gradués, en cas qu'il ne se trouve au siège nombre suffisant de juges ; et seront tenus ceux qui y auront assisté, de signer la minute à peine de nullité, et le greffier de les interpeller, à peine de 500 livres d'amende contre lui et contre chacun des refusants.

Article XXV

Sera dressé deux minutes des jugements prévôtaux qui seront signées par les juges, dont l'une demeurera au greffe du siège où le procès aura été jugé, et l'autre au greffe de la maréchaussée, à peine d'interdiction pour trois ans contre le prévôt, et de 500 livres d'amende : défendons sous pareilles peines aux deux greffiers de prendre aucuns droits pour l’enregistrement et réception des deux minutes.

Article XXVI

Si l'accusé est appliqué à la question, le procès-verbal de torture se fera par le rapporteur, en présence d'un conseiller du siège et du prévôt.

Article XXVII

Les dépens adjugés par le jugement prévôtal seront taxés par le prévôt, en présence du rapporteur, qui n'en pourra prétendre aucuns droits ; et s'il en est interjeté appel, le siège qui aura rendu le jugement, en connaîtra en dernier ressort.

Article XXVIII

Enjoignons aux vice-baillis, vice-sénéchaux et lieutenants criminels de robe courte, d'observer ce qui est prescrit pour les prévôts, et au surplus des procédures, seront par eux nos autres ordonnances observées : n'entendons néanmoins rien innover aux fonctions et droits du lieutenant criminel de robe courte de notre Châtelet de Paris.

...................



Voulons que la présente Ordonnance soit gardée et observée dans tout notre Royaume, Terres et Pays de notre obéissance à commencer au premier jour de Janvier de l'année prochaine mil six cens soixante et onze ; Abrogeons toutes Ordonnances, Coutumes, Loix, Statuts, Reglemens, Scils et Usages differens ou contraires aux dispositions y contenuës.

Si donnons en mandement à nos amez & seaux Conseillers, les Gens tenans nos Cours de Parlement, Grand Conseil, Chambre des Comptes, Cours des Aydes, Baillifs, Sénéchaux, et tous autres nos Officiers, que ces présentes ils gardent, observent et entretiennent ; fassent garder, observer et entretenir, et pour les rendre notoires à nos Sujets, les fassent lire publier et registrer : Car tel est notre plaisir.
Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, Nous y avons fait mettre notre Scel.

Donné à Saint Germain en Laye au mois d'Août l'an de grâce 1 670. Et de notre Règne le 28. Signé LOUIS.

Et plus bas Par le Roy, Colbert.
Visa Seguier, pour servir à l'Ordonnance des Procédures criminelles.

Luë, publiée, registrée, ouy et ce requérant le Procureur General du Roy, pour être exécutée selon sa forme et teneur. A Paris en Parlement, le vingt sixième Août 1670. Signé, Du Tillet.

 
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