Retour Chrono-textes Paul Doumer président de la chambre des députés en 1906
Rapport de la commission de l'armée

Conclusions de la commission de l'armée sur le Projet de loi
portant création d'un corps de gendarmerie mobile de 2000 hommes.


Séance du 3 avril 1906



Conclusions de la commission de l'armée présidée par le député du Puy-de-Dôme Guyot-Dessaigne.


«Depuis plusieurs années, il a été nécessaire de faire intervenir l'armée pour assurer le maintien de l'ordre ou l'exécution des lois.
Il serait superflu d'insister sur les graves inconvénients de tout ordre que présente l'emploi de la troupe non seulement dans les grèves, mais dans tous les cas où l'autorité a dû faire appel à son concours.

Le rôle de la force publique étant avant tout un rôle de surveillance et de protection, la gendarmerie seule devrait en être chargée. À la différence de la troupe qui, procédant par masse, n'a que le rôle ingrat et difficile de prêter l'appui de sa force à l'autorité pour vaincre les résistances à ses injonctions, la gendarmerie remplit les multiples devoirs de surveillance, d'information, de conciliation qui préviennent les conflits et assurent la protection et la répression individuelle tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des établissements ou domiciles privés.
Malheureusement, la soudaineté des événements, l'insuffisance numérique des gendarmes, leur éparpillement, les lenteurs du voyage, font qu'ils n'arrivent souvent que longtemps après l'heure où leur présence aurait été le plus nécessaire, et alors que la troupe, plus facilement mobilisable et qui ne devrait apparaître qu'après épuisement de toutes les autres interventions utiles, est déjà, sur les lieux.

Or, l'armée n'est pas faite pour remplir cette mission, elle n'y est du reste pas préparée, et le moindre des inconvénients qui résultent de son intervention est de lui faire perdre un temps qui aurait été plus utilement employé à son instruction.
Quant aux gendarmes qui sont actuellement envoyés sur les points où l'ordre est menacé, ils arrivent isolément de brigades souvent fort éloignées, dans lesquelles le service est désorganisé pendant tout le temps de leur absence, ne se connaissent pas entre eux, sont inconnus des officiers sous les ordres desquels ils sont temporairement placés, et leur action se trouve, dans ces conditions, très inférieure à ce qu'elle serait s'ils étaient réunis en tout temps en unités constituées.

L'utilité de forces de gendarmerie mobile ne peut donc être contestée.
Après une élude approfondie de la question, il a été reconnu nécessaire de constituer un corps de 2.000 gendarmes, moitié à pied, moitié à cheval. Ce corps serait fractionné en groupes de 100 hommes au minimum, effectif indispensable pour que le commandement et la discipline puissent être facilement assurés et pour que l'instruction spéciale qu'ils doivent recevoir puisse leur être, utilement donnée.
Quant aux lieux de stationnement de ces différents groupes, ils seront déterminés après étude des besoins de chaque région et en tenant compte des événements qui se sont produits sur les divers points du territoire au cours de ces dernières années. Les offres de concours des départements et des municipalités pour les dépenses d'installation interviendront également pour la désignation des résidences.

La gendarmerie mobile serait plus spécialement employée au maintien de l'ordre en cas de mouvements populaires tels que ceux que peuvent occasionner des fêtes, des grèves ainsi que l'application de certaines lois ou l'exécution de certaines décisions judiciaires, etc. Elle pourrait, en dehors de ce service spécial et lorsqu'elle n'y serait pas employée, être utilisée, après entente entre les différents ministères intéressés, pour la garde des prisons civiles et militaires, des tribunaux et cours d'assises, à certains services de place expressément désignés. Enfin, dans le rayons des villes de stationnement, elle participerait au service de la sûreté générale qui incombe à la gendarmerie départementale.
Le corps de gendarmerie mobile, dont l'existence est prévue à l'article 32 de la loi du 13 mars 1875 sur les cadres et les effectifs de l'armée, a déjà été organisé de 1871 à 1885. Il a été licencié par décision présidentielle du 28 mars 1885, après suppression par le Parlement des crédits relatifs à son entretien. Il eût donc été possible légalement de le reconstituer par voie de décret, après le vote préalable des crédits nécessaires par les Chambres. Mais le gouvernement estime que la réorganisation du corps, par simple voie de décret, après une suppression d'une vingtaine d'années, pourrait prêter à critique, et il lui a paru préférable de vous présenter un projet de loi spécial.

Les dépenses d'entretien du corps, lorsque son organisation sera complètement achevée, s'élèveront à 3.400.000 francs par an. À cette somme s'ajouteront les dépenses supplémentaires du budget des pensions qui se monteront, lorsque ces dépenses atteindront leur maximum, soit dans 55 ans, à 2.750.000 francs.
Aucune prévision de dépense ne figure dans les chiffres qui précèdent pour construction ou aménagement des casernements. On compte sur le concours des départements et des municipalités pour pourvoir complètement à ces installations.
Mais le corps ne pouvant se former immédiatement à son effectif total en raison de l'insuffisance des ressources immédiates du recrutement et des questions d'installation à résoudre (construction ou aménagement de casernements, conventions à passer avec les villes), le corps commencerait à s'organiser, dès que les crédits nécessaires auraient été accordés parle Parlement, avec un effectif de début de 900 gendarmes et s'augmenterait progressivement de manière à atteindre au 31 décembre 1908 l'effectif de 2.000 hommes et 20 officiers.

En admettant que le corps commence à s'organiser le 1er juillet 1906, la dépense pour 1906, compte tenu des dépenses de première formation (premières mises d'équipement, etc.), s'élèverait à 1.253.882 francs.
La création d'une gendarmerie mobile présenterait d'ailleurs des avantages tels qu'ils compenseraient et bien au delà le surcroît des dépenses qu'elle peut entraîner.
L'armée, dont le rôle essentiel on temps de paix est de se préparer à la défense du territoire, ne serait plus détournée de son devoir normal aussi souvent qu'elle l'a été en ces dernières années; son temps, dont le service réduit commande d'être économe, lui appartiendrait davantage ; elle serait moins exposée à être mêlée à des incidents où la politique intérieure, à laquelle elle doit rester étrangère, joue le rôle principal; elle éviterait des fatigues inutiles, des contacts dangereux ou compromettants, elle échapperait ainsi aux lourdes responsabilités que fait peser sur elle, dans les conflits économiques, la pénible incertitude où elle est de la limite de sa mission et de ses obligations, aux critiques fâcheuses pour sa considération, que suscite le moindre écart dû à l'imprudence, à une consigne mal interprétée, à un mouvement d'impatience, à l’énervement d'une longue attente sous, des provocations.auxquelles la gendarmerie, plus expérimentée, est moins sensible.

Ces considérations ont à elles seules suffisamment de valeur pour justifier complètement la création d'un corps nouveau et le supplément de dépense qui en résultera.»



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