Si, à l'époque de François Ier, la charge des prévôts ordinaires était par son ancienneté bien définie, celle concernant les prévôts subsidiaires n'était qu'à ses balbutiements. Les qualités exigées de ces derniers se bornaient alors à posséder une robuste santé physique pour accomplir quotidiennement des chevauchées, un caractère bien trempé pour se faire respecter et une bonne dose de courage pour affronter des gens rompus à l'usage des armes. Malgré sa dangerosité et la faiblesse de ses appointements, ces offices étaient remplis. Il faut dire qu'à cette époque où l'honneur était l'une des principales vertus de la chevalerie, ces hommes fiers de leurs charges, ne considéraient pas leur solde comme unique prix de leurs actions. Cependant, sous le règne de ce roi et de ses successeurs, la force et la bravoure ne suffirent plus pour accomplir cette mission et d'autres valeurs furent exigées.
Jusqu'au règne de Louis XV, la maréchaussée n'a jamais fait l'objet d'une ordonnance générale en forme de règlement traitant de son essence, de ses missions, de son personnel, etc. Cette création tardive s'explique en partie dans la façon dont ces règles ont été élaborées. Imposées peu à peu aux maréchaussées au gré des circonstances ou d’événements particuliers, on les retrouvait dans des textes épars sous la forme d'édits, de déclarations, d'arrêts, de règlements ou insérés sous forme d'articles réservés au sein des grandes ordonnances du royaume publiées à l'issue des États généraux.
Il faut attendre 1720 avec la suppression de tous les officiers et archers des maréchaussées et l'établissement de nouvelles compagnies réunies en un seul corps pour voir apparaître les premières grandes ordonnances rassemblant dans un seul texte l'ensemble des règles relatives à cette institution. Par la suite, ce type de règlement général fut périodiquement renouvelé. Citons ici l'ordonnance de Louis XV en 1778, puis quand la maréchaussée devint gendarmerie, la loi du 16 février 1791, la loi du 26 germinal an VI, l’ordonnance de Louis XVIII de 1820, le décret impérial de 1854 ou plus prés de nous, le décret organique de 1903 de la IIIe république. Quel que soit le régime politique en place, les points abordés dans ces textes seront pratiquement constants et développés suivant un modèle unique. On y retrouvera en introduction le dessein concernant la création de ce corps, suivi de son organisation, de l'administration et de l'avancement de ses personnels, de son emploi et de la gestion de ses besoins en matériels, en logement, en chevaux, en habillement, en équipement et en armement.
Ainsi, les premières grandes ordonnances, traitant de toutes les règles particulières imposées à ce corps, ne furent que l'aboutissement d'une longue expérience. Les missions de justice, que François Ier et ses successeurs octroyèrent aux prévôtés pour faire pièce à la toute-puissance des justices ordinaires, furent déterminantes à l’élaboration de ces règles, à bien des égards. Elles obligeront la couronne à les codifier afin d'imposer et de protéger les prévôtés des ambitions démesurées des pouvoirs politique, militaire et surtout judiciaire du royaume particulièrement jaloux de leurs prérogatives. Pour cela, il fallut établir de nouveaux principes, exiger des prévôts des qualités morale, physique et intellectuelle honorables, discipliner, hiérarchiser, équiper et armer leur troupe. Il fallut fixer les limites de leurs pouvoirs afin que le mal que ces petites unités armées étaient censées combattre ne soit pas moins redoutable que leurs actions, on définit les tâches à accomplir quotidiennement, on élabora des protocoles pour régler leurs rapports envers les magistrats, les officiers militaires, la noblesse et le clergé...bref, il fallut inventer un nouveau métier et son indispensable corollaire de règles pour le faire fonctionner.
Voici, par ordre chronologique, d'intéressantes ordonnances qui ont façonné le caractère de cette institution. Nous n'évoquerons pas ici les règles concernant sa juridiction qui font l'objet d'un dossier particulier (voir « La juridiction prévôtale »).
Les premiers gentilshommes, qui s'étaient portés volontaires sous le règne de Louis XI pour représenter le prévôt des Maréchaux dans leur province, avaient été choisis principalement pour leur disponibilité et leur bravoure. La dangerosité de leurs interventions ayant eu raison de leur dévouement, Louis XII transforma ces délégués bénévoles en officiers de la Couronne. Les actions rudimentaires alors demandées à ces gentilshommes ne nécessitaient pas de compétences particulières. Avec l'évolution de la société, et en se professionnalisant, cette charge dut répondre à des critères plus rigoureux et l'on exigea de ces officiers quelques aptitudes complémentaires. Ce sont principalement les pouvoirs en matière de justice, que leur attribua François Ier, qui leur imposèrent de posséder des qualités à la hauteur de leurs nouvelles responsabilités.
Ainsi à une époque où la force des armes était tout, les rois ont toujours eu conscience que ses officiers, préposés au maintien de l'ordre public et investis d'un grand pouvoir, ne pouvaient remplir d'une manière efficace leur difficile mission si leur action n'était pas encadrée par la loi et s'ils ne possédaient cette valeur morale qui est le résultat d'une conduite irréprochable et qui fait encore de nos jours toute la force de la gendarmerie.
On peut situer les premiers éléments de règlement concernant la maréchaussée vers la fin du règne de Louis XII, lorsque ce roi décida d'ériger en titre d'office la charge des lieutenants provinciaux choisis par le prévôt des maréchaux. Pourvus jusqu'alors sur une simple commission, précaire et révocable à tout moment, Louis XII permettait à ces gentilshommes de devenir propriétaires de leur charge qu'ils pouvaient conserver à vie, sauf pour faute grave. Les buts de cette décision étaient d'officialiser le pouvoir attaché à cet emploi, offrir une honnête rémunération pour contre-balancer sa pénibilité et sa dangerosité et lui donner suffisamment de prestige pour amener à ces postes des gentilshommes de qualité. Avec ce titre, leurs titulaires prenaient l'appellation de prévôt subsidiaire et avaient les mêmes pouvoirs que les prévôts des maréchaux sur l'étendue de leur province.
Sous la terminologie générale de prévôt des maréchaux, il faut cependant distinguer les prévôts au service des connétable et maréchaux et ceux installés dans les provinces. Les premiers, désignés dans les ordonnances sous le nom de prévôts des maréchaux, étaient plus particulièrement destiner à la surveillance des troupes qu'elles soient en garnison ou en déplacement. Les seconds, appelés prévôts subsidiaires, avaient été « establis pour aider à purger les provinces des gens mal vivans » (Ordonnance d'Orléans). Ils étaient plutôt chargés de patrouiller dans tous les lieux de leur département pour se saisir des délinquants et les remettre aux juges ordinaires. Ce travail, consistant à pourchasser le crime, ne pouvait s'effectuer qu'à cheval et ce sont précisément ces chevauchées qui furent l'objet des premiers éléments d'une réglementation générale qui allaient forger l'essence de cette charge.
1514 - Les prévôts des maréchaux, qui étaient préposés à la surveillance des compagnies d'ordonnance, devaient suivre ces compagnies pour gérer les conflits qui pouvaient naître entre les gens d'armes de ces unités et la population. Cette mesure leur fut imposée par Louis XII (1498 - 1515) dans ses lettres patentes, concernant la discipline militaire, du 20 janvier 1514 (1). Il ordonnait « que d'oresnavant les prevosts des mareschaux chevaucheront les pays, eux et leurs lieutenans, et feront résidence sur les compagnies : et qu'ils chevauchent de garnison en garnison, pour mieux faire justice, tenir ordre et police ausdicts gens de guerre, et corriger les fautes, oppressions et pilleries que lesdits gens de guerre pourront faire au peuple [...]. Et pourront commettre lesdits prevosts en chacune compagnie un homme de bien lieutenant, pour administrer justice ». Cette possibilité d'attacher à chaque compagnie un officier de la prévôté préfigurait ce qui deviendra la prévôté aux armées.
1549 - De leur côté, les prévôts subsidiaires n'ont pas été soumis immédiatement à cette obligation. Ils administraient leurs lieutenants et archers qu'ils avaient choisis comme ils l'entendaient. La protection des populations nécessitant l'emploi du cheval, la Couronne n'avait pas estimé devoir réglementer ces chevauchées. Cette confiance trouva ses limites jusqu'au début du règne de Henri II, lorsque les prévôts commencèrent à négliger leurs charges. Ce qui paraissait alors sans intérêt allait faire l'objet de nombreuses injonctions et rappels. Ainsi, dans la déclaration du 5 février 1549 (2), le roi ordonnait « que lesdits Prevosts Provinciaux & leurs Lieutenans avec leurs Archers chevaucheront ordinairement les Provinces, Fins, Metes & Territoires d'icelles où ils sont & feront établis [...] sans séjourner és Villes plus haut de deux jours sinon que ce fût pour quelques urgentes causes ». Pour s'assurer de la réalité de ces chevauchées, Henri II exigeait que les prévôts adressent trimestriellement à la connétablie « leur procez verbaux des diligences & devoir qu'ils auront fait, chacun en sadite Charge avec certification des Juges ordinaires ». Cette consigne leur fut maintes fois réitérée au point qu'il est assez rare de trouver un texte traitant des prévôts des Maréchaux qui ne comporte pas cette mention.
1552 - Dans les années 1550, pour justifier ce laisser-aller, les prévôts prirent pour prétexte les frais liés à ces chevauchées. Ce motif déplut à Henri II. Dans son ordonnance donnée à Saint-Germain-en-Lay en 1552, il exigea des prévôts ordinaires et subsidiaires qu'ils exécutent leurs chevauchées sans demander une compensation financière pour leurs frais, le roi estimant que leurs soldes et gages étaient suffisants « Pource que les Prevosts des & Mareschaux de France & Prevosts Provinciaux ont jusques icy esté & sont encores fort négligens de faire les chevauchées & vifitations par les Garnissons & autres lieux & endroits, voulons qu'à ce faire ils soient contraints sans pource prendre aucun salaire extraordinaire, attendu que les gages & soldes qu'eux & leurs Archers ont present, tant de Nous que de nostre peuple sont suffisans & raisonnables pour l'exercice de charges. En défaut & refus de ce faire Nous, les declarons dés à present privez de leurs Offices Voulans en leurs lieux & places estre pourveus par lesdits Connestable & Mareschaux de chacun en son regard selon qu'ils connoîtront & verront estre à faire ».
1560 - Aux états d'Orléans (3), Charles IX imposait aux prévôts subsidiaires de suivre et surveiller, conjointement avec les prévôts ordinaires, les troupes de passage dans leur province, « à peine d'eftre privez & caffez de leurs Etats , & de répondre en leurs propres & privez noms de tous dépens , dommages & interefts , foufferts par nos fujets ». Il leur interdisait de séjourner plus d'un jour dans un lieux et exigeait qu'ils adressent tous les trimestres au conseil du roi le procès-verbal de leurs chevauchées.
1563 - Dans son règlement du 14 octobre(4) , il soulignait que les prévôts subsidiaires avaient été créés pour la campagne et non pour la ville « lefdits Prevofts des Maréchaux & leurs Lieutenans feront tenus d'aller par les Champs circuir la Province pour le devoir & exercice de leurs Etats fans foy tenir aufdites Villes closes & ne pourront en aucun cas commis efdites Villes entreprendre connoissance fur les domiciliez y refidans ». Cette compétence territoriale est encore maintenue pour la gendarmerie.
1566 - Aux états de Moulins(5), Charles IX considérant que le procès-verbal de leurs chevauchées pouvait servir de pièce à conviction, exigea des prévôts qu'ils le présentent aux juges s'ils en étaient requis « Enjoignons tres expreffement aufdits Prevofts des Mareſchaux , Vibaillifs , & Vifenefchaux à peine de privation de leurs Offices, envoyer dans le temps de nos Edits & Ordonnances à noftre Chancellier les procés verbaux de leurs chevauchées , & iceux communiquer à nos Juges & Procureur general , quand requis en feront ». Dans cette même ordonnance, ils demandaient aux prévôts d'assister et prêter main forte aux juges ordinaires pour la capture et l'exécution des jugements. Les prévôts devaient également prouver qu'ils avaient bien expédier les procès-verbaux de leur chevauchées pour être payé « Défendans aux Receveurs & Payeurs de leurs gages de leur delivrer aucuns deniers , s'ils n'apportent deue certification & acte par lequel il leur apparoiffe qu'ils ont envoyé lefdits procès-verbaux ».
1579 - Les ordonnances suivantes reprenaient les mêmes éléments, mais celle d'Henri III, aux états de Blois(6), exigeait que les juges et procureurs apposent leur signature sur les procès-verbaux des chevauchées pour en confirmer la véracité « Défendons aux receveurs et payeurs de leurs gages, leur délivrer aucuns deniers, s'ils ne rapportent acte signé de nos juges et procureurs, contenant qu'ils ont bien et dûëment fait lesdites chevauchées ».
1660 - Le développement des armes à feu étant devenu un véritable fléau, Louis XIV voulait libérer les grands chemins de leurs voleurs pour assurer la liberté de commerce et des voyageurs. Dans une déclaration contre le port des armes du 18 décembre 1660, il ordonnait « aux Prevofts des Maréchaux Vicebaillys & Vicefenéchaux de faire leurs chevauchées par les Champs fans demeurer és Villes & nettoyer les Païs de leur établissement de voleurs & vagabons qu'ils y trouveront & envoyer leurs procez verbaux de leurs diligences de trois mois en trois mois au Siège de la Connétablie, Voulons qu'à ce faire, ils foient contraints par faifie & radiation de leurs gages ».
1666 - Louis XIV renouvelait les termes de l'ordonnance d'Orléans concernant la surveillance des troupes en déplacement. Il exigeait, dans son ordonnance du 5 février 1666, que les prévôts provinciaux suivent les compagnies de passage dans leur province « les Officiers des Maréchauffées tant generales que particulieres & les Lieutenans Criminels de Robbe courte feront tenus chacun dans l'étendue de fon Reffort de monter à cheval avec nombre d'Archers fuffifant pour battre la Campagne, fuivre les Gens de Guerre dans leur marche, les contenir dans l'obfervation de leurs Ordres & Routes, recevoir les plaintes faites contre eux informer & fe faifir des coupables le tout fuivant les Ordres des fieurs Commiffaires départis Intendans de la Juftice és mains defquels ils feront tenus de remettre leurs procez verbaux informations & autres procedures à peine d interdiction de leurs Charges & de demeurer refponfables en leurs propres & privez noms des defordres commis par les Gens de Guerre ».
1716 - Sous la régence du duc d'Orléans, Louis XV, dans une ordonnance du 1er juillet(7), renouvelait l'obligation pour les maréchaussées de faire avec exactitude leurs tournées et de battre la Campagne dans l'étendue de leur ressort. Pour soulager cette pénible mission quotidienne, il autorisait les prévôts à scinder leur troupe en deux et à patrouiller par roulement l'une avec l'autre, de sorte que lorsque l'une des moitiés était à la résidence pour y traiter les affaires du lieu, l'autre chevauchait sur les grands chemins. L'interdiction de séjourner dans un même lieu fut maintenue et pour être payés de leurs gages, ils devaient rapporter la preuve de leur passage et de leurs diligences en faisant signer leur certificat par les magistrats et principaux habitants des lieux de leur tournée.
1720 - Les problèmes liés à ces chevauchées interminables et éreintantes allaient disparaître avec l'édit de mars 1720(8) . Louis XV supprimait toutes les anciennes compagnies de maréchaussées créées sous différents noms et recréait trente compagnies sur un même modèle distribuées en petites unités appelées brigades. En réduisant le ressort territorial de ces petites unités à quelques journées de cheval, le roi supprimait les harassantes tournées des anciennes compagnies qui devaient parcourir toute leur province entraînant l'épuisement des hommes, des chevaux et l'usure prématurée des matériels.
Cette mission, qui entra dans le service quotidien des compagnies de maréchaussée, est toujours l'une des principales activités de la gendarmerie de nos jours.
1560 - Avec l'ordonnance d'Orléans du 20 janvier 1560(3) , Charles IX exigeait des prévôts qu'ils interviennent avec célérité dés qu'ils étaient saisis d'une affaire urgente « Seront lesdits Prevofts tenus monter à cheval fi-tôt qu'ils feront avertis de quelque volerie , meurtre , ou autre délit commis en la Province ou îls feront [...] fans y user de délais ou diffimulation & fans falaire à peine de fuppreffion de leurs Etats & plus grande felon l'exigence des cas ».
1566 - Dans l'ordonnance faite à Moulins en 1566(5), Charles IX revenait sur l'obligation faite aux prévôts d'intervenir immédiatement après avoir été averti d'une affaire grave « ... & où ils feroient negligens même aprés la requifition & sommation de nofdits Sujets de monter à cheval informer & aller la par où les crimes auront été commis où les délinquans retirez, Nous voulons qu'ils foient condamnez en tous les dépens dommages & interests des parties & Privez de leurs Etats ».
1579 - Henri III, aux états de Blois en 1579(6) , confirmait la mesure de son frère « Les prevofts, tant de nos amez & feaux les Maréchaux de France que Provinciaux & femblablement les Vicebaillys & Lieutenans Criminels de Robbe courte feront tenus fuivant nos Ordonnances monter à cheval fitoft qu'ils feront avertis de quelque volerie, meurtre ou autre délit commis és lieux où ils font établis ». Il étendait cette prescription de vélocité pour l'exécution des décisions de justice « & auffi executer promptement & fans remife, excufe ou diffimulation, les decrets & mandemens de Juftice qui leur feront délivrez par nos Juges & Subftituts de nos Procureurs Generaux encore qu'il n'y ait plainte de partie civile, le tout à peine de privation de leurs Etats & de plus grande felon l'exigence des cas ».
Cette nécessité d'intervenir sous le signe de l'urgence lorsque les faits le réclament sera toujours maintenue. Dans sa version actuelle, elle est réalisée par la désignation d'un premier à marcher dont la mission prioritaire est de se tenir toujours prêt pour intervenir immédiatement.
L'évolution du droit s'imposa de la même manière aux juges ordinaires qu'aux prévôts des maréchaux, garantissant ainsi plus de droits aux accusés. En peu de temps les jugements sommaires réalisés sous François Ier pour servir d'exemple par leur rapidité et leur sévérité étaient abandonnés et faisaient place à des procédures codifiées et strictes sous peine de nullité pour la procédure et d'amende voire de destitution pour les prévôts.
Hormis les cas spécifiques qui leur furent attribués et que l'on nomma cas prévôtaux, les prévôts étaient tenus d'informer immédiatement les autorités judiciaires des actes et de la procédure qu'ils réalisaient « pour estre procédé à l'instruction entiere et jugement des procès des délinquans et malfaicteurs ». L'ordonnance d'Orléans imposait également à tous les prévôts, tant ceux des connétable et maréchaux que subsidiaires et des armées de renvoyer aux sièges des justices ordinaires tous ceux qui n'étaient pas leurs justiciables par les édits, à peine d'être personnellement responsable et de répondre en leur nom des dommages et intérêts des prisonniers. Lorsqu'ils se saisissaient d'un criminel, ils devaient le remettre aux autorités judiciaires avec le résultat de leurs constatations sans délai et sans dissimulation et ne devaient réclamer pour cela aucun salaire supplémentaire. Cette obligation est toujours en vigueur de nos jours.
(1) Ordonnance du 20 janvier 1514 portant règlement et statuts sur le service des gens d'armes et les prévôts des Maréchaux de France.
(2) Édit du 5 février 1549 sur le pouvoir et juridiction des prévôts des maréchaux de France et juges présidiaux ordinaires par prévention et concurrence, sans appel, contre les voleurs, guetteurs de chemins, sacrilèges et faux monnayeurs.
(3) Ordonnance du 20 janvier 1560 donnée à Orléans sur les plaintes, doléances et remontrances des Députés des trois Etats.
(4) Règlement du 14 octobre 1563 sur la juridiction des prévôts et de leurs lieutenants.
(5) Ordonnance de février 1566 donnée à Moulins portant sur la réforme de la justice.
(6) Ordonnance de mai 1579 donnée à Blois sur la police générale du royaume, sur les plaintes et doléances faites par les députez des trois Estats se son royaume.
(7) Ordonnance du 1er juillet 1716 servant de règlement pour le service, la police et la discipline des maréchaussées du royaume.
(8) Édit de mars 1720 portant suppression de tous les officiers et archers des maréchaussées et établissement de nouvelles compagnies de maréchaussée dans tout le royaume.
Après avoir été reçus en l'office de prévôt subsidiaire, les gentilshommes, qui avaient constitué leur compagnie en fonction du nombre de lieutenants et archers prescrits par édits, organisaient leur service comme ils l'entendaient. Leur travail, alors on ne peut plus simple, consistait à parcourir quotidiennement tout le territoire dans lequel ils avaient été affectés pour y arrêter les pillards et autres criminels et les remettre aux juges ordinaires des lieux de leurs captures. Un relâchement fut cependant observé chez ces officiers vers la fin du règne de François Ier. Il était principalement dû aux nombreuses mutations et changements intervenus lorsque ce roi leur attribua de nouvelles compétences en matière judiciaire. Ces audacieuses attributions créèrent un état de confusion et de découragement pour des hommes qui n'avaient pour principal bagage que leur force et leur courage face aux dangers. Sans chef vers lequel trouver appui, certains d'entre eux commencèrent à négliger leur charge ne sachant pas trop comment exécuter les ordonnances, mais aussi par crainte de tomber à leur tour sous le coup de la loi.
1547 - Un service public ne peut être assuré sans l'ordre et l'esprit de suite qui naissent de la subordination et du respect de la hiérarchie. Or les prévôts subsidiaires, qui n'exerçaient pas leur charge dans les grands gouvernements (1), n'avaient pas de supérieurs hiérarchiques directs dans tout ce qui relevait de leur service. Nommé et soldé par la Couronne, ils pouvaient jouer d'une certaine indépendance, mais ce n'était pas le cas pour les lieutenants et archers qu'ils avaient choisis, car ils dépendaient financièrement des autorités locales qui payaient leur solde et pouvaient à ce titre demander à tout moment leur révocation. Le défaut de cette organisation fut porté à la connaissance de Henri II dès son avènement à la Couronne. Pour retirer à ces autorités locales cette emprise, le roi, dans une déclaration du 26 juin 1547 (1) , les plaçait sous le commandement des Maréchaux de France. Il leur enjoignait « qu'outre leurs Prevofts & Archers ordinaires , & qui leurs font par Nous foudoyez, les fubfidiaires payez & stipendiez par nôtre Peuple , & établis és Elections des Provinces , étans de leur département, leur répondent, obeïffent, & entendent diligemment : enfemble leurs Lieutenans & Archers , & tout ce qui leur fera commandé & ordonné par celuy de nofdits Maréchaux , du département duquel ils feront ; & là où ils feroient le contraire, ou feroient trouvez en aucune faute, abus, ou malverfation au fait & exercice de leurs Etats , Charges , & Offices ledit Maréchal qui fera leur Provincial , & fous lequel ils répondront , procedera ou fera proceder à l'encontre d'eux par ajournement perfonnel , prife de corps , fufpenfion de leurs Charges , Soldes , Etats & Offices ». Subordonnées aux Maréchaux de France, les compagnies des prévôts, appelées prévôtés, prendront peu à peu le nom de maréchaussée. Le nom de prévôté leur fut cependant conservé pour nommer leur juridiction, celui de maréchaussée était plus souvent utilisé pour désigner leurs compagnies.
1548 - Cette subordination entraîna le rattachement de la maréchaussée au corps de la gendarmerie. En effet, de toute ancienneté, les Maréchaux eurent la responsabilité de faire observer à la gendarmerie et autre troupe montée ou non la discipline militaire et le respect des ordonnances avec l'aide des prévôts ordinaires et des prévôts subsidiaires. Les prévôts ordinaires, leurs lieutenants et archers ont toujours appartenu au corps de la gendarmerie, comme le rappelait Henri II dans une déclaration du 27 juillet 1548(2). Le service rendu par les militaires de ce corps leur donnait droit à être exempté de toutes tailles, subsides, impôts et octrois levés sur les habitants des villes.
1570 - Il fallut attendre l'ordonnance de 1570(4), donnée à Écouen par Charles IX, pour que les prévôtés provinciales soient rattachées au corps de la gendarmerie et soient soumises à ses règles « lefdits Prevofts Provinciaux, Lieutenans de Robbe courte, leurs Lieutenans, Greffiers & Archers foient fujets & traitez fous les loix de la Gendarmerie & par ce moyen tenus d'obéir en toutes les occafions qui fe prefenteront pour fon service aufdits Seigneurs Maréchaux de France ».
1612 - La militarisation de la maréchaussée, commencée par la mise en place des revues faites aux compagnies, se poursuivit par la création de degrés hiérarchiques intermédiaires placés entre la troupe et les officiers. À l'image de ce qui se pratiquait dans les armées, Henri IV créa dans la compagnie de maréchaussée d'Île-de-France, un gradé nommé exempt, que l'on peut comparer à un adjudant de nos jours. Il était chargé de seconder les lieutenants et commandait aux archers.
Henri IV, assassiné le 14 mai 1610, n'ayant pas pu mener le projet à son terme, c'est son fils Louis XIII, avec l'édit de février 1612(6), qui en créa un dans chaque compagnie des prévôts des Maréchaux, vice-baillis, vice-sénéchaux et lieutenants criminels de robe courte. Initialement ce gradé avait la même solde que les archers. Il avait seulement le commandement sur eux pour les conduire, mener et faire les courses et captures comme le prévôt ou le lieutenant. Les pouvoirs de cet adjoint furent progressivement augmentés.
1640 - La création des exempts ayant montré son utilité, Louis XIII créait, avec l'édit de février 1640(7), un premier archer dans chacune des juridictions de maréchaussée pour commander aux autres archers de sa compagnie en l'absence des prévôts, lieutenants et exempt. L'archer revêtu de cette fonction bénéficiait de l'exemption des tailles, aides et autres impositions. La création au sein de toutes les compagnies de ces deux grades participait à leur hiérarchisation.
1641 - Des soulèvements ayant eu lieu dans quelques provinces et les prévôts provinciaux n'ayant pu y répondre avec leur faible effectif, la couronne dut faire appel à l'armée pour ramener le calme. Sans la culture d'un rapport pondéré avec le public, comme l'avaient acquis les compagnies de maréchaussées, les militaires réprimèrent les populations avec une grande violence « comme s'ils eussent été dans le Païs ennemi & sous le pretexte de servir à nôtre autorité, ils ruinent & oppressent sans confideration les gens de bien & les plus affectionnez à nôtre service & ainsi ce que Nous avions donné pour remède par la mauvaise conduite des Officiers & discipline des soldats se trouvoit être la ruine de nos peuples ».
Cette expérience malheureuse fit apparaître la nécessité de conserver à la maréchaussée le soin de maintenir l'ordre public(2), mais également la nécessité de pouvoir regrouper, sous l'autorité d'un seul chef, les prévôts, vice-baillis et vice-sénéchaux avec leur effectif pour constituer des unités plus importantes. Ce fut l'objet de l'édit de novembre 1641. Louis XIII créait dans huit généralités du royaume un prévôt général pour couvrir de leur autorité toutes les petites prévôtés implantées dans ces territoires. Ils étaient chargés de tenir en leur devoir les prévôts provinciaux et leurs officiers, de régler leurs différends à l'amiable, de centraliser le service, d'assembler les prévôts avec forces suffisantes pour prévenir ou dissiper les troubles à la tranquillité publique qui pourraient survenir dans l'étendue de leurs établissements et d'assurer ainsi une réponse prompte et adaptée pour le rétablissement de l'ordre. Ces éléments devaient conduire, trois cents ans plus tard, à la création d'unités spécialisées avec possibilité de les regrouper en un lieu sous l'autorité d'un commandant et auxquelles on donna le nom de compagnies de garde républicaine mobile.
1720 - Avec la publication de l'édit de mars 1720(8), la militarisation des maréchaussées était pleinement aboutie. Les trente compagnies de maréchaussée nouvellement créées étaient toujours déclarées du corps de la gendarmerie et demeuraient sous le commandement des maréchaux de France. Elles étaient établies sur le modèle hiérarchique en usage dans les armées. Désormais, chacune était composée « d'un Prevost général , d'un nombre de lieutenans, assesseurs, nos procureurs, greffiers, exempts, brigadiers, sous-brigadiers, archers & trompettes que nous avons fixé par l'estat que Nous en avons arresté ». Cette subordination fit l'objet de l'ordonnance du 16 mars 1720(9) qui fixa la place et le rôle de chaque grade.
1721 - L'ordonnance du 17 décembre(10) concernant la capitation des officiers des compagnies de maréchaussée créées l'année précédente devait lever l'ambiguïté sur le modèle hiérarchique imposé à ces compagnies et établir une correspondance avec le modèle hiérarchique en usage dans les troupes. Ainsi les prévôts généraux étaient imposés sur le pied des lieutenants-colonels de cavalerie, les lieutenants des prévôts généraux sur celui des capitaines de cavalerie et les exempts de maréchaussée sur celui des lieutenants de cavalerie. Cette échelle hiérarchique variera très légèrement par la suite, mais conservera les prévôts dans le corps des officiers supérieurs. Les prévôts, ces commandants de province, sont aujourd'hui des commandants de régions et font partie du corps des officiers généraux compte tenu des effectifs placés sous leurs ordres et de l'étendue des régions.
(1) Sous le règne de François Ier, il n'existait que neuf gouvernements dans le royaume. C'étaient ceux de Normandie, Guyenne, Languedoc, Provence, Dauphiné, Bourgogne, Champagne et Brie, Picardie et celui de l'Île-de-France.
(2) L'utilisation de la troupe pour le maintien de l'ordre ne fut jamais une bonne solution. L'inverse de ce qui s'était passé sous Louis XIII arriva à Béziers lors de la révolte des vignerons du Languedoc en 1907. Ce mouvement, que Clémenceau voulut réprimer par la force des armes, a été marqué par la fraternisation du 17e régiment d'infanterie de ligne avec les manifestants. Cette affaire pesa lourdement dans la décision de créer des unités de gendarmerie spécialement entraînées pour le maintien de l'ordre. Elles verront le jour sous le nom de « pelotons mobiles de gendarmerie » avec la loi du 22 juillet 1921.
1548 - Pour s'assurer que la compagnie des prévôts, répondent aux exigences de présence et d'équipement, des montres (des revues) se déroulaient deux fois par an en janvier et juillet devant les baillis sénéchaux ou leurs lieutenants comme l'exigea Henri II dans sa déclaration du 27 juillet 1548(2). À l'issue de ces inspections, le receveur des tailles versait aux prévôts, vice-baillis et vice-sénéchaux l'intégralité des sommes destinées au paiement de leur compagnie, à charge pour eux de payer ensuite leurs archers.
1549 - Cette pratique fut l'occasion pour certains prévôts de se livrer à quelques abus. Pour obtenir des archers certains avantages, ils leur reversaient leur solde à discrétion, faisant parfois du profit par des retenues injustifiées. Cette habitude qui mettait les archers dans des situations difficiles, fut interdite par Henri II dans une déclaration du 5 février 1549(3) et exigea des baillis, sénéchaux et autres juges présidiaux qu'ils s'assurent que les soldes soient directement versées à chaque archer à l'issue des revues sous peine d'être privés de leurs offices. Les receveurs généraux et particuliers chargés de ces paiements, devaient en faire mention sur le rôle de ces revues.
1579 - Un arrêt du Conseil d'État du 5 décembre ordonnait toujours aux prévôts provinciaux d'être passés en revue par les baillis et sénéchaux ou leurs lieutenants en présence des Gens du Roy. Seuls les prévôts des Maréchaux en résidence à Paris étaient passés en revue par les officiers de la maréchaussée.
1586 - Le versement des gages et soldes était bien souvent effectué tardivement. Sans leur solde, les archers ne pouvaient faire face aux dépenses engendrées pour assurer leurs chevauchées. Pour éviter cela, Henri III, par édit de mars 1586, créa dans chaque juridiction prévôtale un office de receveur et payeur particulier afin de payer plus régulièrement les gages et soldes des maréchaussées.
1587 - L'année suivante, par édit du mois de mars(5) , le roi créait trente commissaires et trente contrôleurs pour les maréchaussées. Les premiers étaient chargés de contrôler les effectifs, les seconds passaient en revue les compagnies des prévôts des Maréchaux, vice-baillis et vice-sénéchaux. Cette création fut rendue nécessaire, car le roi, informé sur le manque de sérieux des revues effectuées par les baillis et sénéchaux, connaissait les graves défaillances concernant l'effectif de ces compagnies. Ainsi, le nombre d'archers était bien souvent inférieur à celui fixé par les ordonnances et parmi les archers présents, un grand nombre était inexpérimenté aux armes et aux faits militaires. Cette déficience ne pouvait être le résulta que d'une grande complaisance entre les juges et autres chargés de ces revues et les prévôts, vice-baillis et vice-sénéchaux. Comme dans les armées, l'appât du gain avait encouragé le favoritisme et l'utilisation de passe-volants(1). Ces nouveaux officiers, expérimentés aux devoirs militaires étaient désormais chargé de passer en revue les compagnies de maréchaussée. Ils devaient s'assurer de son complet, de la qualité de ses personnels, des chevaux, équipement et armement. Les archers défaillants étant systématiquement démis de leur fonction et remplacés par des plus capables.
1668 - L'obligation faite aux prévôts de tenir leur compagnie en bon état et au complet pour être opérationnelle fut renouvelée par plusieurs arrêts du Conseil. Pour lutter contre les passe-volants, Colbert, contrôleur général des finances, préconisa que les titres des officiers et archers soient vérifiés par le conseil et portés sur les états du Tallion ou, à défaut, que ces titres soient vérifiés par le bureau des finances le plus proche. Ainsi, à l'issue des revues, seuls étaient payé de leurs gages et solde, ceux dont le nom apparaissait sur ce rôle et qui étaient en état de servir. Les prévôts qui ne feraient pas l'effort d'avoir une compagnie au complet et en état de marcher s'exposaient à être « privez de leurs Ġages & qu'il fera commis à leurs dépens des perfonnes capables pour rendre fervice à fa Majefté & au Public ».
1720 - Avec la suppression des anciennes compagnies de maréchaussée et la création de trente nouvelles établies sur un même modèle, les prévôts généraux redevenaient chefs absolus de leur compagnie. À ce titre, l'ordonnance du 20 mars 1720(9), leur faisait obligation d'inspecter quadrimestriellement toutes les unités placées sous leur commandement afin de contrôler leur service et s'assurer du bon état des chevaux, des armes et équipages. Ces revues étaient certifiées par le prévôt général qui en adressait un double au secrétaire d'État ayant le département de la Guerre.
(1) Les passe-volants étaient des soldats simulés et frauduleusement présentés aux revues, au détriment de l'état et au bénéfice financier des prévôts qui s'appropriaient la solde de ses archers absents. Ce vieux mot semble être tirée d'une expression exprimant un passage rapide, quelqu'un qui ne fait que rapidement passer comme un vol d'oiseau à l'image de l'homme qui tenait la place de l'archer juste le temps de la revue.
À leur création, la tenue des prévôts, lieutenants et archer des prévôtés n'a jamais fait l'objet d'une ordonnance particulière précisant les éléments de sa composition. On peut supposer que le port de la livrée tire son origine du règlement de 1514 sur la discipline militaire, dans lequel François Ier exigeait des capitaines « de faire porter leurs livrées à leurs foldats, tant à la Ville qu'aux champs & que ceux qui feront trouvez fans avoir cet habit, feront arrêtez comme vagabonds & punis par les Juges des lieux ». Pour les éléments de protection, on peut avoir une idée de ce qui existait à cette époque dans une ordonnance de Henri II concernant les devoirs et services de l'arrière-ban. Il y prescrivait la tenue des gentilshommes tenant fiefs relevant de la Couronne « sera l'home d'arme monté de deux bons cheuaux de feruice & armé d'un corps de cuiraffe, d'armet ou bourguignote & de grands gardebras & efpaulettes auec vne bonne & forte lance. Les archiers feront montés d'un bon cheual & armés d'un corfelet ou anime, de brassals ou manches de maille & d'un morion & au lieu de lance auront vn bon efpieu & vne piftolle à l'arçon de la felle ». Il est peu probable que cette tenue fut celle portée par les archers de la maréchaussée. Ils ne pouvaient en effet ni porter quotidiennement pour effectuer leurs chevauchées ces éléments d'armure conçus pour les batailles, ni les posséder à une époque où l'archer devait s'habiller, s'équiper et se monter à ses frais.
1559 - Si la livrée portée par les soldats était un frein à leurs escapades, celle portée par les archers de la maréchaussée permettait aux populations de les identifier. Leur saie de livrée était une espèce de casaque ouverte aux couleurs particulières couvrant les cuisses et le hoqueton ou tunique brigandine, sorte de justaucorps venant jusqu'aux genoux. On peut lire, dans une ordonnance du 20 août de François II concernant le port des armes à feu, que les archers étaient uniquement astreints à porter ce vêtement et non d'autres éléments de cuirasse. Dans cette ordonnance le roi n'entendait pas comprendre dans l'interdiction du port des armes à feu « les Prevosts Generaux des Maréchaux de France & autres Prevosts desdits Maréchaux Provinciaux, auffi leurs Lieutenans, Greffiers & Archers en portant par lefdits Archers leurs fayes de livrée qu'ils font tenus de porter ou fans faye quand il fera queftion de le laiffer pour plus fecrettement faire quelque exploit, lefquels Lieutenans, Greffiers & Archers feront avoüez par lefdits Prevofts être à eux ».
Cette obligation est toujours applicable à la gendarmerie. Pour effectuer leur service ordinaire, les gendarmes sont revêtus de leur uniforme pour être facilement identifiables et portent à la ceinture une arme de poing. Cependant, lorsque certaines opérations demandent une très grande discrétion, ils sont autorisés par leur hiérarchie à les effectuer armés et sans porter l'uniforme. Les officiers ordonnant ce type d'intervention en garantissent la conformité comme les prévôts en leur temps « avoüez » (confirmaient) que les lieutenants, greffiers et archers « étaient à eux » (agissaient sous leurs ordres).
1720 - Avant qu'il ne devienne uniforme, le vêtement porté dans les armées était celui porté dans le quotidien de l'époque. Il évoluait avec son temps et celui revêtu par les maréchaussées n'échappait pas à la règle. Il fallut cependant attendre 1720 pour que disparaisse la saie au profit de l'uniforme dans la maréchaussée. Avec la suppression des anciennes maréchaussées et la création de trente nouvelles compagnies établies sur le même modèle, Louis XV, dans son ordonnance du 16 mars 1720(9) , donnait à la maréchaussée hiérarchisée par l'édit du même mois, un uniforme réglé sur celui des armées. Le bleu et le rouge devenaient les couleurs du fond de l'habit, l'aiguillette d'argent, les boutons et le galon d'argent au chapeau étaient ses insignes distinctifs auxquels se rajoutaient les galons des différents grades.
(1) Déclaration du 26 juin 1547 qui règle les fonctions et départements des prévosts des Maréchaux et de leurs archers.
(2) Déclaration du 27 juillet 1548 portant que les prévôts, leurs lieutenants et archers comme étant du corps de la gendarmerie sont exempts de tailles subsides et octrois
(3) Édit du 5 février 1549 sur le pouvoir et juridiction des prévôts des maréchaux de France et juges présidiaux ordinaires par prévention et concurrence, sans appel, contre les voleurs, guetteurs de chemins, sacrilèges et faux monnayeurs.
(4) Ordonnance du 11 octobre 1570 portant que les prévôts, leurs lieutenants, leurs lieutenants de robe courte et leurs archers sont du corps de la gendarmerie.
(5) Édit de mars 1587 portant création des commissaires et contrôleurs.
(6) Édit de février 1612 portant création d'un exempt en chacune compagnies des prévôts généraux, provinciaux, vice-baillis, vice-sénéchaux et lieutenants criminels de robe courte.
(7) Édit de février 1640 portant création d'un conseiller premier assesseur en chacune juridiction des prévôts ; union à icelui d'un Office de conseiller et création d'un premier Archer dans chaque maréchaussée.
(8) Édit de mars 1720 portant suppression de tous les officiers et archers des maréchaussées et établissement de nouvelles compagnies de maréchaussée dans tout le royaume.
(9) Ordonnance du 16 mars 1720 concernant la subordonation et la discipline des maréchaussées
(10) Ordonnance du 17 décembre 1721 concernant la capitation des officiers des compagnies des maréchaussées créées par édit du mois de mars 1720
1563 - Le droit ayant évolué et les procédures devenant de plus en plus complexes, la Couronne exigea des prévôts d'autres qualités que celles de leur bravoure et de leur dévouement. Henri II avait dû affronter en son temps, l'inaction des prévôts à cause, justement, de leur incapacité à traiter les affaires judiciaires que leur avait attribuées François Ier. Désormais, les capacités de ces officiers sur le plan militaire et judiciaire devaient aller par paire pour être à la hauteur de leur mission. Dans son règlement du 14 octobre 1563(1), arrêté en son conseil, Charles IX exigeait qu'aux critères de noblesse et d'aptitude physique habituelle, les aspirants à la charge de prévôt possèdent un niveau d'instruction suffisant pour être en mesure d'effectuer pleinement leur devoir « que les Prevofts des Maréchaux ne seront reçûs dorénavant sans qu'on soit bien informé de leur suffisance ».
Il en était de même pour leurs lieutenants de robe courte qui devaient posséder de solides connaissances en droit pour être en mesure d'accomplir tous les actes des procédures judiciaires en l'absence du prévôt. Comme les juges ordinaires, ils devaient faire l'objet d'une enquête sur leur bonnes vie et moeurs « leurs Lieutenans ne seront cy-aprés pourvûs desdits Etats , sans avoir été interrogez & trouvez suffisans de les tenir & exercer , & înformation prealablement faite de leur vie & mœurs , comme il se garde aux Juges ordinaires, & seront commis esdits Etats Gentilshommes , & autres personnes notables & resseans ».
1564 - L'édit de Roussillon(2) renouvelait ces critères et rajoutait « Aux Offices de Lieutenans desdits Prévôts, Vice-Baillis & Vice-Sénéchaux, qui seront de robe longue , ne sera dorénavant pourvu que par commission, & non autrement, de personnages desavoir & probité , lesquels, après inquisition préalable de leur vie & conversation , seront examinés par deux de nos Conseillers & Maîtres des Requêtes , ou Conseillers de nos Cours Souveraines , qui feront à ce commis par notre très-cher & féal Chancelier de France, pour voir les informations de probité rapport de suffisance avant que sceller les Lettres de provision desdits Lieutenans, lesquels seront aussi reçus au Siége dela Table de Marbre à Paris ».
1720 - Avec l'édit de mars 1720, établissant de nouvelles compagnies de maréchaussée dans tout le royaume, les prévôts généraux et leurs lieutenants, établis en titre d'Offices, devaient être « perfonnes capables & experimentée au fait des armes, & ayant fervi au moins quatre années desuite dans nos Troupes ». Avec ce certificat militaire délivrait par le Secrétaire d'État à la Guerre, les prévôts et lieutenants étaient toujours tenus de se présenter « à nos Coulins les Maréchaux de France pour prendre leur attache , & enfuite estre reçûs en la Conneftablie & Maréchaussée de France au Siege de la Table de Marbre du Palais de Paris, ainfi qu'il s'est toujours pratiqué ». Les nouvelles compagnies ayant été créées sur le modèle des troupes, les officiers des maréchaussées devaient désormais posséder une expérience militaire.
1564 - Guerre de religion oblige, cette injonction leur fut renouvelée l'année suivante. Charles IX, dans son édit d'août 1564(2) donné à Roussillon, confirma que les charges de prévôts devaient être confiées qu'à des gentilshommes notables demeurant dans la province « qu'és Charges des Etats des Prevosts desdits Connétable & Maréchaux de France, Vicebaillifs & Vicefenéchaux feront dorénavant commis Gentilshommes notables & reffeans ».
1598 - Pour donner du prestige et de la respectabilité aux prévôts des Maréchaux, vice-baillis et vice-sénéchaux, Henri IV décidait, dans une déclaration du 18 juin(3) , que les postulants à ces emplois devaient désormais faire preuve d'un titre de noblesse, qu'ils aient au moins cinq cents livres de rente en fonds de terre, qu'ils aient commandé dans les Armées pendant quatre ans et qu'ils soient de bonnes vie et moeurs. Pour rendre les officiers de ces compagnies plus respectables, il leur attribua durant l'exercice de leur charge le titre et qualité de conseiller. Il leur accorda également voix délibérative au jugement des procès de leur ressort et fixa leur rang et séance après les lieutenants généraux civils et criminels des baillis et sénéchaux en tous les présidiaux et sièges royaux et dans toutes les assemblées publiques.
1631 - Par édit de mai 1631, Louis XIV attribua à tous les prévôts généraux provinciaux et particuliers des maréchaussées du royaume, aux vice-baillis, vice-sénéchaux et lieutenants criminels de robe courte, la qualité de chevalier du Guet en titre d'office et les lieutenants, exempts et archers de ces compagnies celles de lieutenants, d'exempts et d'archers du Guet, conjointement à la qualité d'officiers de la maréchaussée. Cette attribution permettait « fuivant l'ordre qui en fera donné aufdits Lieutenans & Archers par leurs Prevofts, faire le guet bonne & feure garde de jour & de nuit, fi befoin eft, & en cas de neceffité & lors que bon leur femblera és Villes & Fauxbourgs de leur établiffement & du reffort de leurfdites Maréchauffées, pour y entretenir le repos & la tranquillité publique ». Telle est l'origine des patrouilles nocturnes effectuées à la résidence par les gendarmes des brigades de nos jours.
1720 - Avec l'édit du mois de mars, Louis XV attribuait aux prévôts généraux et leurs lieutenants la qualité d'écuyer pour toute la durée de leur charge. L'ordonnance du 16 mars créée cinq inspecteurs généraux choisis parmi les prévôts généraux. Ils étaient chargés, dans le département qui leur était attribué, d'effectuer annuellement une tournée pour « examiner & verifier si le service est rempli avec exactitude, en dresser des Estats dont ils envoyeront une copie à nos Cousins les Mareschaux de France, & une autre au Secrétaire d'Estat ayant le département de la Guerre ».
1514 - L'action bénévole des premiers gentilshommes choisis pour représenter le prévôt des maréchaux dans les provinces avait depuis longtemps disparu au profit d'un véritable métier à plein temps. Pour être efficace, l'action des prévôts devait être permanente et quotidienne. Pour satisfaire à ces deux impératifs, les prévôts des Maréchaux devaient être au plus près de leur lieu d'emploi. Les prévôts des Maréchaux qui étaient plus particulièrement chargés de la surveillance des troupes qu'elles soient en garnison ou en déplacement devaient être continuellement à leur suite. Louis XII le rappela dans son ordonnance du 20 janvier 1514 et ordonna que « les prevosts des mareschaux ne se trouveront point en cour si le roy, mondit seigneur le connestable ou messeigneurs les mareschaux ne les mandent ».
L'augmentation de pouvoir, attribué par François Ier, Henri II et Charles IX, attacha les prévôts des maréchaux, vice-baillis et vice-sénéchaux dans leurs provinces. L'obligation d'y faire résidence et de vaquer continuellement à leurs devoirs et à leurs chevauchées leur fut signifiée expressément par plusieurs édits sous peine d'être démis de leur fonction et de pourvoir à leur place des gens plus capables. Les gentilshommes qui se proposaient pour exercer cette charge devaient obligatoirement habiter sur leurs lieux d'emploi.
1564 - Cet impératif leur fut renouvelé plusieurs fois et Charles IX, dans l'édit de Roussillon (1564)(2), exigeait « Qu'ès Charges de Prévôts desdits Connétable & Maréchaux de France , Vice-Baillis & Vice-Sénéchaux , seront dorénavant commis Gentilshommes notables & resséans (résident) ». Pour s'assurer de leur lieu de résidence, il ordonnait que les officiers sélectionnés « présentent leurs Lettres de provision pardevant le Lieutenant Général de la Connétablie & Maréchaussée de France au Siége de la Table de Marbre à Paris , pour y être enregistrées après la réception de chacun desdits Officiers , lesquels seront tenus les mettre vers le Greffe dudit Siége, au rôle et signé d'eux, contenant les noms & surnoms de leurs Lieutenans, Archers & Greffiers , ensemble les lieux de leur demeurante & résidence , pour y avoir recours quand requis sera ».
L'année suivante, dans son édit du mois d'août, il enjoignait aux prévôts « de faire leurs chevauchées par la Province de leur Charge pour la purger des perfonnes mal vivantes. Leur défendans auffi s'absenter ou éloigner d'icelle fans nôtre exprés congé & permiffion defdits Connétable & Maréchaux de France à peine de fufpenfion & privation fi elle y échet ».
1636 - Dans une déclaration du 22 avril, Louis XIII rappelait aux prévôts, vice-baillis, vice-sénéchaux et leurs lieutenants qu'ils « fassent résidence actuelle & continuelle és lieux de leur établissement, leur faisant défenses de faire aucune information ni recevoir aucune plainte hors de la province & ressort de leur résidence sinon en flagrant délit & en passant lors qu'ils feront à la recherche & poursuite de quelques malfaiteurs ».
1663 - Dans une déclaration du 29 décembre 1663, Louis XIV sommait les officiers de maréchaussée et autres de « refider és lieux de leur Etabliffement, incontinent aprés la publication des présentes, à faute dequoy, ils feront privez de leurs Exemptions & de leurs Gages ». Il enjoignait aux procureurs des juridictions concernées de tenir un registre sur lequel devait figurer les dates de fonction de ces officiers et leurs lieux de résidence et interdisait aux receveurs payeurs des gages de faire aucun payement à ceux qui ne seraient pas couchés sur ce registre.
1668 - Cinq ans plus tard, dans un arrêt du conseil du 10 juin 1668, il renouvelait cette obligation estimant que par leur absence, les gages qu'ils leur étaient versés ne correspondaient pas au service qu'ils devaient assurer. Les mesures coercitives pour éliminer ces absences n'ayant pas eu l'effet escompter, le roi exigeait que les « Officiers & Archers des Maréchauffées se rendront inceffamment és lieux de leur Etabliffement pour y faire leurs Charges [...] Voulant fa Majefté que ceux defdits Officiers & Archers des Maréchauffées qui fe trouveront à Paris vingt quatre heures aprés la publication du present Arreft foient conftituez prifonniers à la Bastille & en ce cas qu'il foit commis à leur dépens des perfonnes capables de faire leurs fonctions ».
1549 - La surveillance des troupes, comme l'arrestation des criminels dans les provinces, étant une activité quotidienne et permanente, Henri II, dans sa déclaration du 5 février 1549, ordonnait que « dorénavant exerceront lesdits Prevosts de nos Maréchaux, tant Généraux que Provinciaux & leurs Lieutenans leurs Etats en personne sans ce qu'ils puissent tenir autres Etats, Charges, Commissions, ni Offices requerans residence de maniere qu'iceux Etats de Prevosts & Lieutenans, qui requièrent entierement le labeur de l'homme sans interruption ne diversion à autres Actes ni affaires, soient mieux & plus soigneusement exercez & la chofe publique purgée & nettoyée de Voleurs & Perturbateurs du repos d'icelle, dont la connoissance est attribuée à iceux Prévosts & leurs Lieutenans & ce sous peine de privation de leursdits Etats & Offices ».
1560 - Charles IX renouvela cette mesure dans son ordonnance donnée à Orléans au mois de janvier 1560 « ne pourront les Prévosts des Connétables et Maréchaux de France, tenir qu'un seul Office, à l'exercice duquel ils s'emploieront continuellement, & vacqueront diligemment à la confection & jugements des procez, dont la connaissance leur est attribuée ».
(1) Règlement du 14 octobre 1563 concernant le juridiction des prévôts et de leurs lieutenants.
(2) Édit d'août 1564 portant règlement de la juridiction des prévôts des maréchaux
(3) Déclaration du 18 juin 1598 portant que les prévôts et leurs lieutenants auront la qualité de conseillers du roi.
L'automobile a remplacé les chevaux et les garages les écuries, les claviers d'ordinateur se sont substitués à la plume, les armes à feu moderne ont fait place aux arquebuses et pistoles, l'uniforme a succédé à la livrée, mais tous les principes et règlements élaborés sous les Valois et les Bourbons sont restés les mêmes. Ainsi, depuis François Ier le gendarme exerce toujours son métier revêtu d'un habit permettant de l'identifier sauf dans quelques cas particuliers comme l'avez demandé François II en son temps. Cette obligation, qui aboutira à l'uniforme imposé par Louis XV, est toujours observée. Le port des armes réservé par François II aux militaires et aux forces de maintien de l'ordre n'a guère plus évolué et demeure la règle. Le statut militaire que lui avait imposé Louis XV a toujours été maintenu et son rang de corps d'élite, voulu par Henri II qui avait décidé de placer les prévôtés dans le corps de la gendarmerie, lui a toujours été conservé, même à la révolution, de sorte qu'encore aujourd'hui la gendarmerie prend toujours rang à la droite des armées.
Si, sous le règne de Louis XII, les prévôts ne pouvaient se trouver en cour que « si le roy, mondit seigneur le connestable ou messeigneurs les mareschaux ne les mandent », il en est de même pour les officiers et gendarmes qui ne peuvent quitter leur lieu d'emploi s'en y être dûment autorisés. Ils doivent être en mesure d'intervenir immédiatement dès qu'ils sont avertis de faits graves comme l'avait exigé Charles IX dans son ordonnance donnée à Orléans de 1560. Les patrouilles de surveillance et de protection, qui ont remplacé les chevauchées, demeurent fondamentales et se poursuivent sans discontinuité depuis Louis XII. Elles sont l'une des principales activités de la gendarmerie. Les gendarmes devant continuellement se consacrer à leur mission ne peuvent, comme l'avait exigé Henri II dans sa déclaration du 5 février 1549, tenir un autre emploi.
Enfin, comme cela fut rendu nécessaire pour les officiers et archers des maréchaussées, les officiers et gendarmes sont choisis en fonction de leur capacité à tenir l'emploi. Henri II voulait « que les Prevofts des Maréchaux ne s[oient] reçûs dorénavant sans qu'on soit bien informé de leur sufîisance » et exigeait en outre de leurs lieutenants qu'ils ne puissent être pourvus à ces fonctions « sans avoir été interrogez & trouvez suffisans de les tenir & exercer , & înformation prealablement faite de leur vie & mœurs ». Ces critères sont restés constants si ce n'est qu'aux recommandations et appréciations ancestrales, la sélection s'exerce désormais par la voie du concours. Les candidats à ce métier sont toujours soumis à une enquête de moralité. La capacité à exercer le métier de gendarme n'est qu'une étape pour les admis qui doivent par la suite acquérir les connaissances nécessaires pour remplir leurs missions en suivant une école de formation.
Ainsi, la gendarmerie plonge ses racines dans le substrat culturel d'une époque où l'honneur, le dévouement et la fierté n'étaient pas des mots vides de sens. Toujours fidèle à ces principes, même si certains les trouvent désuets, elle participe quotidiennement à la paix sociale selon les principes et les règles qui lui ont été imposés par les rois de France et qu'elle n'a cessé d'observer, quel que soit le régime politique en place. Si la population lui a toujours gardé sa confiance et son respect, c'est parce qu'elle est étrangère aux passions qui s'agitent et secoue parfois notre société de crises politiques et sociales. Impassible, elle ne s'appuie que sur la loi, c'est la raison pour laquelle lorsque tout change autour d'elle, son devoir demeure invariable et qu'elle ne perd rien de sa grandeur acquise au fil des siècles et de l'attachement que les populations lui portent.