Le titre de prévôt (præpositus, le préposé) est très ancien dans la monarchie franque. Il désignait d'une manière générale le suppléant d'un officier public. Ce fut le titre des premiers juges royaux ou seigneuriaux, mais il fut également donné au chef de certaines communautés d'artisans. Enfin , dans certains chapitres, le titre de prévôt servait à désigner la première ou la seconde dignité; dans d'autres, il représentait un simple office.
Du point de vue judiciaire, on désignait sous le nom de prévôts royaux les juges qui rendaient la justice du premier degré sous les directives des baillis et sénéchaux. La juridiction militaire attachée au commandement des connétable et maréchaux de France était exercée par un magistrat auquel on donna le nom de prévôt des maréchaux. Cet officier, d'abord unique, fut par la suite secondé par des lieutenants que l'on installa dans toutes les provinces du royaume. Leur principale mission était de chevaucher continuellement les campagnes pour exercer leur juridiction d'abord sur les gens de guerre puis, sous François Ier, sur les voleurs et les vagabonds.
Lorsque François Ier accéda à la couronne, il n'y avait que deux maréchaux de France. Ce prince augmenta leur nombre pour le porter à quatre. Ils commandaient les armées sous les ordres du roi ou du connétable de France et quand cette charge n'était point honorée, ils commandaient les armées comme généraux en chef. La juridiction militaire, qui a toujours été attachée à ce commandement, était exercée sous leur autorité par un seul officier dénommé prévôt. Avant la création des compagnies d'ordonnances, qui furent à l'origine de l'armée de métier, cette charge ne s'exécutait pleinement qu'en temps de guerre à la suite des troupes. La paix revenue, les troupes levées pour la guerre étaient licenciées et cet officier n'avait plus de fonctions comme cela fut réglé entre lui et les officiers de la connétablie à la Table de Marbre, par lettres patentes de Charles V du 13 décembre 1374.
Sous Charles VI (1380 - 1422), les factions menées par ses oncles et autres grands vassaux étaient souvent en guerre, ce qui obligeait le roi d'être le plus souvent aux armées. Pour juger les crimes qui s'y produisaient, ce roi fut le premier à attacher le prévôt des Maréchaux à la suite de la cour pour y exercer en campagne les fonctions qu'il exerçait à la suite des armées. Cependant, le prévôt des maréchaux n'avait cette juridiction à la suite de la cour, que hors Paris, dans les marches ou chevauchées, ou dans les camps et armées du roi.
Avec la création des compagnies d'ordonnance que le roi avait installée dans différentes villes aux frontières du royaume, il fut très vite impossible à cet unique officier d'accomplir pleinement sa mission sur la discipline des troupes qu'elles soient en garnison ou en campagne. On lui adjoignit alors des lieutenants et un certain nombre d'archers chargés de recueillir et d'informer les plaintes formées par les habitants du pays sur les excès commis par les soldats. Cependant, aux exactions commises sur les populations par les militaires de ces compagnies s'ajoutaient celles perpétrées par les soldats licenciés. Le nombre de plaintes ne cessait d'augmenter et les capacités opératives du prévôt des maréchaux et de ses lieutenants furent très vite atteintes à leur tour. Louis XI permit alors au prévôt des maréchaux de commettre en chaque province un gentilhomme pour le représenter avec pouvoir d'assembler selon les occasions les nobles et autres gens du pays pour s'opposer aux gens de guerre, aventuriers et déserteurs qui pillaient les habitants des campagnes. Leur rôle se bornait à les capturer et les remettre aux baillis et sénéchaux afin qu'ils soient jugés.
Cette expérience s'étant révélé efficace, la couronne voulut la pérenniser en nommant, à la place de ces gentilshommes volontaires, des officiers capables d'exercer continuellement cette fonction et dont l'autorité ne serait être remise en cause ni par les notables, ni par les habitants du pays. Peu à peu, ces simples commissions furent changées en titre d'office en faveur de plusieurs provinces par autant de lettres patentes particulières, de sorte qu'à la fin du règne de Louis XII, chaque province avait son prévôt des maréchaux. Pour exécuter pleinement leur mission, chacun de ces officiers eut la liberté de se choisir leurs lieutenants et archers suivant le nombre fixé par ordonnance. Dans les grandes provinces comme celle du Languedoc, ces officiers prirent le titre de prévôts généraux suivi du nom de la province, les autres étaient qualifiés de prévôts particuliers ou provinciaux suivit du nom du lieu de leur résidence.
Avec l'édit de janvier 1514, François Ier augmenta le pouvoir des prévôts des maréchaux sur la discipline militaire. Les prévôts à la suite des maréchaux, appelés prévôts ordinaires, étaient plus particulièrement chargés de la surveillance des compagnies d'ordonnance pour « mieux faire justice, tenir ordre et police ausdicts gens de guerre, et corriger les fautes, oppressions et pilleries que lesdits gens de guerre pourront faire au peuple ». Afin de pouvoir exercer une surveillance continuelle, il parut nécessaire de créer un magistrat spécialement chargé de l'exercice de la justice au sein des armées : « Et pourront commettre lesdits prevosts en chacune compagnie un homme de bien lieutenant, pour administrer justice et s'il y en a aucuns qui ayent enfraint et transgressé lesdictes ordonnances, qui soyent gens qui n'ayent accoustumé de faillir, en ce cas pourront recourir à mondit seigneur le connestable, pour en avoir de ce, grâce et pardon ». On donna à ces officiers le titre de prévôt des bandes et lorsque ces bandes (note 4) furent transformées en régiment, on les nomma prévôts de l'armée.
Qu'ils soient prévôts ordinaires ou prévôts des bandes, ils devaient remettre aux juges des lieux tous les malfaiteurs qui ne relevaient pas de leur juridiction, même ceux qui se trouvaient mêlés avec les troupes. Cette règle fut cependant modifiée graduellement au cours des ans pour aboutir à l'Édit du 3 octobre 1544 qui élargit la compétence des prévôts des maréchaux et leur accorda la justice non seulement sur les gens de guerre, mais aussi sur « les vagabonds et autres malfaiteurs qui tiennent les champs et y commettent des vols, violences et autres crimes ». Ces cas particuliers furent nommés cas prévôtaux.
Les prévôts installés dans les provinces, désignés sous le nom de prévôts subsidiaires, n'eurent initialement d'autre pouvoir que celui d'arrêter les malfaiteurs avec leurs archers pour les remettre aux justices ordinaires. Cependant, leur charge étant équivalente à celle exercées par les prévôts des maréchaux, ils furent, comme eux, pourvus des mêmes pouvoirs et juridictions.
Cet élargissement fut essentiellement dicté par la fronde des baillis et des sénéchaux qui avaient été privés, quelques années auparavant, de la voix délibérative qu'ils avaient dans l'administration de la juridiction contentieuse. Ainsi, pour manifester leur mécontentement, ils cessèrent d'accomplir leurs devoirs. Leur conduite ne tarda pas à remplir de voleurs et de vagabonds la plus grande partie du royaume. Les soldats licenciés après la paix faite avec Charles Quint au mois de septembre 1544 et les déserteurs des troupes maintenues se mêlèrent aux libertins pour commettre des violences, des vols et autres maux. Cette situation détermina François Ier à augmenter par un Édit solennel du 3 octobre 1544 la compétence des prévôts des maréchaux. Il leur accorda pour la première fois par concurrence et prévention avec les baillis et sénéchaux la justice, correction et punition d'une part sur les gens de guerre qui déstabilisaient le service ou les garnisons et d'autre part sur tous les vagabonds et autres malfaiteurs qui évoluaient dans les campagnes pour y commettre des vols, des violences ou autres semblables crimes.
Les prévôts des maréchaux avaient deux fonctions, la première qu'ils exerçaient comme officier militaire et la seconde comme officier de justice.
- En tant qu'officiers militaires, ils étaient tenus, aux termes des ordonnances, de mettre à exécution les décrets et mandements de justice, de prêter main-forte lorsqu'ils en étaient requis. Pour mener à bien leurs obligations, on leur adjoignit des subordonnés (lieutenants, exempts, brigadiers, sous-brigadiers, archers ou cavaliers).
- En qualité d'officier de justice, le prévôt disposait d'un tribunal composé d'assesseurs, de procureurs du roi et des greffiers spécialement établis à cet effet et choisis par le roi. Ils exerçaient leurs juridictions dans le présidial du lieu où avait été commis le délit. Les jugements étaient intitulés au nom du prévôt, cependant la sentence n'appartenait qu'au président du siège ou, en son absence, au lieutenant criminel. Cette juridiction fut appelée juridiction prévôtale.
Le Languedoc était subdivisé en trois grandes sénéchaussées : 1° Toulouse, 2° Carcassonne, 3° Beaucaire / Nîmes. Il était composé de vingt-deux diocèses.
Ces trois anciennes sénéchaussées composaient la municipalité provinciale. Les 22 municipalités diocésaines comprenaient 2784 municipalités locales ou communautés. Elles furent démembrées en 1552, et portées, par le roi Henri II, au nombre de huit, dont les chefs-lieux furent Toulouse, Castelnaudary, Carcassonne, Limoux, Béziers, Nîmes, Montpellier, Le Puy.
L'administration du Languedoc était confiée à un intendant, principal représentant du roi. Les États de Languedoc étaient l'émanation de la province. Le présidial de Montpellier fut créé par Henri II par un édit d'octobre 1522.
Après les nombreuses inféodations du domaine, il ne resta au Roi que la ville de Montpellier et ses abords proches. Sur ce petit espace, la justice fut rendue par les officiers du sénéchal et du présidial de Montpellier. C'est là que fut installé le prévôt général de la province. Il avait sous ses ordres cinq lieutenants qui résidaient à Montpellier, Nîmes, Le Puy, Carcassonne et Toulouse. Ces unités prirent le nom de lieutenances. Les Prévôts, qui avaient été établis par provinces ou bailliages, furent établis par généralités et Départements suivant l'édit du mois de mars 1720. Cependant, le prévôt général du Languedoc, qui comprenait deux généralités (1), fut maintenu dans ses fonctions à la tête de la province et continua d'exercer sa charge sur les deux généralités. Son siège demeura fixé à Montpellier.
La date d'établissement des premiers prévôts en Languedoc n'est pas connue. Il semble selon les archives de la Haute-Garonne (C2276 Fol 383) que les trois premiers prévôts de la province, correspondant aux trois sénéchaussées, furent établis sur lettres patentes du Roi vers 1513. Hélas, ces prévôts rançonnaient et pillaient le pays pour leur propre compte à tel point que les États généraux de la province, réunis à Béziers en 1514, ordonnèrent que soit diligentée une enquête. Les accusations s'étant révélées justes, ils furent démis de leurs fonctions et sanctionnés sévèrement. La situation reste floue et ambiguë jusqu'à François Patault de la Voulte alors prévôt du maréchal de France Anne de Montmorency.
(1) Une généralité est un territoire sur lequel est implanté un bureau des trésoriers généraux de France. À la tête de ce bureau se trouve un receveur général des finances chargé de collecter l'impôt sur ce territoire d'où le nom de généralité. Ce découpage territorial s'est effectué au fil du temps. Certaines généralités datent des années 1551 / 1552 lorsque Henri II subdivisa les quatre trésoreries générales du royaume en 17 trésoreries générales des finances dont deux furent établies dans le Languedoc, une à Montpellier et l'autre à Toulouse. Les autres ont été créés à compter de 1691 jusqu'à 1716. À la fin de cette division, le royaume comptait 24 généralités, celle d'Auch ayant été la dernière créée en 1716.
Liste des prévôts généraux qui se sont succédé dans la province de Languedoc depuis François Ier jusqu'à la révolution (1528 à 1790). Les périodes durant lesquelles ils ont exercé leur charge restent approximatives. Elles ont été évaluées d'après les documents qui font mention de l'état et du nom du personnage. Pour certains cependant, les dates sont celles de l'enregistrement de leur commission.
Rois de France | Gouverneurs du Languedoc |
Prévôts généraux | Exercice |
---|---|---|---|
FRANÇOIS Ier 1515 - 1547 |
Anne de Montmorency (1526-1563) Duc et maréchal de France / Connétable |
François PATAULT Sieur de la Voulte |
1528 - 1552 |
HENRI II 1547 - 1559 |
" | Jacques LAGASSE Sieur de Parasols |
1552 à 1559 |
FRANÇOIS II 1559 - 1560 CHARLES IX 1560 - 1574 |
Henri Ier Duc de Montmorency (1563-1614) |
Pierre LAGASSE Sieur de Parasols |
1559 à 1564 |
↧ | " | Nicolas PACHAULT Écuyer |
1565 - 1568 |
HENRI III 1574 – 1589 |
" | Antoine ROLAND Sieur Des HERBIERS |
1569 à 1574 |
" | " | Nicolas PEZOU Sieur des Marquets |
1574 à 1588 |
HENRI IV 1589 – 1610 |
" | Loïs SENAULX Sieur de Roquerol |
1588 à 1592 |
LOUIS XIII 1610 – 1643 |
Henri II Duc de Montmorency (1614 – 1632) |
Pierre d'AUGIER Baron de Sabran |
1592 à 1620 |
" | " | Jean d'AUGIER Baron de Sabran |
1620 à 1622 |
" | Henri II Duc de Montmorency (1614 – 1632) |
Esprit de DALLARD Écuyer |
1622 à 1625 |
LOUIS XIV 1643 – 1715 |
Charles de Schomberg (1633- 1644) Duc d'Halluin / maréchal de France |
Honoré GONDIN Baron d'Aramont et de Boisseron |
1626 à 1646 |
" | Gaston de France (1644 – 1660) Duc d'Orléans |
Gabriel BERNOLLE Écuyer |
1646 à 1662 |
" | Armand de Bourbon (1660 - 1666) Prince de Conti |
Jean FALCON (Prévôt en chef) |
1639 à 1659 |
" | " | Jérôme de LAVERGNE de MONTENARD Sieur de Tressan |
1662 à 1669 |
" | " | François de MIRMANT Baron de Florac |
1669 à 1680 |
" | " | Jean de PEIRAT Écuyer |
1680 à 1682 |
" | Louis Auguste de Bourbon (1682 – 1737) Duc du Maine |
Charles Chevalier des ROUSSES Sieur de Malassagne et d'Estables |
1682 à 1714 |
LOUIS XV 1715 - 1774 |
" | François GILBERT Sieur de la Motte |
1714 à 1720 |
En 1720, sous la régence de Philippe d'Orléans, Louis XV supprima toutes les maréchaussées du royaume pour ne créer qu'un corps composé de 31 compagnies correspondant chacune à une généralité. Chaque compagnie était placée sous l'autorité d'un prévôt général et de sa juridiction prévôtale à l'exception de la généralité de Paris qui comptait trois compagnies de maréchaussée et celle du Languedoc qui s'étendait sur deux généralités (Montpellier et Toulouse). Ces compagnies étaient ensuite subdivisées en lieutenances sous les ordres d'un lieutenant, adjoint au prévôt et installées dans les villes sièges des présidiaux pour faciliter le travail des cours prévôtales. En 1778, furent créées les sous-lieutenances et le grade de sous-lieutenant pour l'administration et la gestion de deux à quatre brigades. Ces nouvelles compagnies maintenues dans le corps de la gendarmerie étaient fortes de 2 800 hommes pour tout le royaume.
De nombreuses dispositions accompagnèrent ce grand bouleversement. La charge de prévôt général ne fut plus un simple office. À la tête de chaque compagnie fut mit un prévôt général qui, pour remplir correctement les fonctions de cette charge, devait obligatoirement être expérimenté aux faits des armes et avoir servi au moins quatre années dans les armées du Roi. L'effectif de ce corps fut dispersé sur tout le territoire en petites unités : les brigades. La saie et le hoqueton hérités des siècles précédents fut abandonnés au profit d'un uniforme fonctionnel et identifiable. Les équipements, l'armement subirent eux aussi, de profondes transformations.
Avec l'édit de mars 1720, furent créés quatre inspecteurs généraux choisis parmi les prévôts généraux du Royaume. Ils devaient assurer cette mission en plus de leur charge de prévôt général. Cette tâche se révéla vite impossible à effectuer et fut abandonnée en 1760 lorsqu'une ordonnance créa quatre postes d'inspecteurs généraux à temps plein. Ce nombre sera porté à six en 1778, un par division.
Rois de France | Gouverneurs du Languedoc |
Prévôts généraux | Exercice |
---|---|---|---|
LOUIS XV 1715 - 1774 |
Louis Auguste de Bourbon (1682 – 1737) Duc du Maine |
Jean ROUX Capitaine au Royal Carabinier |
1720 à 1729 |
" | Louis Auguste de Bourbon (1737 – 1755) Prince de Dombes Louis Charles de Bourbon (1755 – 1775) Comte d'EU |
Jean louis COSTE Écuyer |
1729 à 1757 |
LOUIS XVI 1774 – 1792 |
Louis Antoine de Gontaut (1775 - 1788) Duc de Biron |
René Jean Gabriel de COSTE Écuyer |
1757 à 1790 |