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Lorsque Rome étendit sa toute puissance sur les Gaules, elle s'y installa avec sa technologie, les raffinements de son savoir vivre mais surtout sa formidable administration dont de nombreux concepts qui, sous des aspects différents, régissent encore notre quotidien. Plus tard, quand nos premiers rois barbares s'établiront sur les ruines d'une partie cet immense empire, ils n'auront pas d'autre choix que d'abandonner leurs pratiques tribales et d'adopter les lois et coutumes romaines afin de se bâtir un royaume.
Dans leur nouvelle administration, nos rois n'apportèrent aucun changement à l'ordre public. Ils conservèrent la protection des routes et des campagnes comme le faisait les romains. Ces derniers avaient mis sur pied des petites troupes pour exterminer les voleurs qui après les guerres civiles pillaient l'Italie. En s'installant dans les Gaules, ils transposèrent ce principe à la protection des routes afin de protéger leur commerce et d'assurer la paix et la sécurité à ceux qui, par leurs travaux de culture ou d'artisanat, œuvraient pour le bien commun et la prospérité de l'Empire.
C'est sous l'empereur Auguste, que ces milices furent déployées dans les campagnes. Plus tard, ce prince installa de façon durable des postes militaires le long des routes. Le chef de ces petites unités militaires était chargé d'arrêter les malfaiteurs, de les interroger, d'attraper les complices et de les livrer aux juges. Son successeur Tibère conservera ce dispositif et le renforcera en augmentant le nombre de postes qu'il placera sous l'autorité d'un préposé. Cette activité fut pérennisée puis rendue ordinaire par les lois. Les officiers désignés pour exercer ce commandement furent appelés « latronculatores » ou juges des brigands. Ils étaient chargés de battre la campagne pour arrêter et interroger les malfaiteurs avant de les remettre au juge des lieux. Ainsi ce magistrat qui se retrouvait en charge de la tranquillité publique, avait toute autorité sur ces soldats pour y parvenir.
Clotaire II confia en 615 cette fonction à ses
comtes qu'il établit comme
gouverneurs et juges des provinces. Il les chargea des mêmes
obligations
que les magistrats romains.
Dagobert en 630, Charlemagne en 650, son fils Louis Ier-Le
pieux, son
petit-fils Charles II-Le Chauve maintiendront ces prérogatives
et
permettront aux comtes d'armer les habitants pour
leur prêter main-forte. Ceux qui refusaient de leur obéir et de leur
prêter main-forte étaient punis d'une amende ou de soixante coups de
verges selon la qualité de l'individu.
Pour
renforcer son pouvoir
monarchique, Philippe II Auguste (1180 - 1223) créa dans
toutes les provinces, de nouveaux magistrats désignés sous le nom
de
baillis(pour le nord) et
sénéchaux
(pour le sud). Ils avaient pour mission d'arrêter et de juger au
nom du
Roi, les
malfaiteurs sévissant dans leurs contrées.
Sur le plan
militaire, il supprima en 1191 le titre de Grand Sénéchal de France à
la mort de Thibaut comte de Blois possesseur du titre et cessa de
nommer à cette charge car les pouvoirs immences que cet officier
concentrait entre ses mains étaient devenus un contre-poids trop
important à son autorité royale. institua en
1218 son connétable chef de ses armées. Grâce
à cette
délégation, le roi ne
concédait pas
à son connétable uniquement des pouvoirs militaires, mais
il lui
accordait
également des
pouvoirs judiciaires. Ces deux pouvoirs, indissociables de tout
commandement militaire, donnent, à
celui qui en est investi, l'autorité nécessaire pour
obtenir de ses
subordonnés : obéissance, loyauté et
discipline. L'étendue plus ou moins remarquable de ces pouvoirs
permettant de fixer précisément la place de chacun dans
un système
hiérarchisé, il est évident que ceux liés
à la dignité de connétable
étaient les plus importants, suivis en cela par ceux de ses
lieutenants
: les maréchaux de France. Ils seront définis et
limités en février
1356 par Jean II Le
Bon dans un
code de justice militaire connu sous le nom d'articles fondamentaux du
siège de la Connétablie.
Lorsque le roi devait livrer bataille à l'ennemi, il levait une armée constituée de troupes fournies par les villes et de mercenaires (l'Ost royal). Une fois constituées, ces troupes étaient placées sous le commandement d'officiers militaires chargés de les conduire à la bataille. Chaque officier ayant à son niveau, des droits de justice qu'ils exerçaient pour maintenir l'ordre et la discipline. Restait cependant, le problème des déserteurs, des soldats débandés qui commettaient des crimes ou des délits en pillant le pays à la suite des armées. Trop occupés à leurs activités guerrières, les officiers militaires se trouvaient dans l'incapacité de les poursuivre et de les juger sans risquer de compromettre leurs missions. Cette charge fut plus spécialement confiée à des officiers particuliers, placés sous le commandement des maréchaux de France et qui prendront le nom de « Prévôt des Maréchaux ». Dans le régiment des gardes et dans les troupes d'infanteries, cet officier sera nommé « Prévôt des Bandes ». Par la suite, et pour les distinguer des prévôts généraux et provinciaux, ces prévôts prendront le titre de « Prévôt des Camps et Armée ».
La couronne se heurta à un autre
phénomène : celui
des bandes. La bataille terminée ces braillards
indisciplinés étaient licenciés. Mal
encadré, livré à
eux-mêmes beaucoup ne regagnaient pas leurs foyers et partaient
à l'aventure. Loin de chez eux, sans
moyen de subsistance et fort de leur
expérience de combattant, ils
pillaient sans retenue le pays répandant la peur et la
désolation.
Après
la défaite et la capture de Jean II Le Bon par les Anglais
à la
bataille de
Maupertuis en septembre 1356, les soudards de se qu'il restait de son
armée s'étaient constitués en de grandes bandes et
continuaient de
piller le pays pour leur propre compte. Impuissante devant ce
phénomène, la couronne les avait tout d'abord
soudoyés espérant
arrêter, sinon limiter les
désordres.
Pour endiguer cette situation catastrophique, Charles
V Le Sage (1364 - 1380) chargera en 1365 son connétable Du Guesclin de
conduire et d'abandonner ces mercenaires en Espagne. Mais
cette manœuvre ne fut qu'un pis-aller et ces bandes
revinrent en
France. Pour s'en débarrasser, le Roi n'eut d'autre solution que
de les
combattre.
Cette entreprise sera plus particulièrement du domaine du
prévôt
de la connétablie et des Maréchaux de France qui avait
été
constitué sous Saint Louis (Louis IX) pour s'opposer aux
désordres des
gens de guerre. Pour remplir cette charge,
il
fallait bien entendu être Gentilhomme et avoir commandé
aux armées.
En
1373, un édit attribuait à ce magistrat
d'épée, la connaissance des « crimes
et
les maléfices qui
se commettent dans les armées par les gens de guerre»
et par
lettre patentedu 13 décembre 1374,
Charles V commandait à cet
officier et ses lieutenants d'être aux armées. Charles VI
dit le Fol
(1380 - 1422) fixera le
prévôt à sa suite de la Cour. Cet officier qui
n'avait
pas d'activité en temps de paix fut chargé petit
à petit de
nombreuses
obligations. L'ensemble des prérogatives attachées
à cette
fonction en fit très vite une des charges de la couronne sous le
titre de Grand
prévôt de France.
Bientôt, chaque maréchal de France eut
à sa suite
un
prévôt particulier directement attaché à sa
personne. Ces officiers qui
commandaient une troupe composée de lieutenants, d'exempts, de
greffiers et d'archer, avaient pour mission d'assurer la protection
du
Maréchal, mais aussi de faire exécuter dans tout le
royaume les ordres
du Roi ou ceux des Maréchaux. Ainsi, la compétence de ces
prévôts ne
pouvait s'exercer que dans le cadre des délits commis à
l'encontre des
règlements et de la discipline militaire et restait
limitée aux ordres
qu'ils étaient chargés de faire appliquer.
Après le supplice de Jeanne D'Arc le 30 mai 1431 à Rouen, le constat est amer. Certes la guerre Franco-Anglaise (connue sous le nom de Guerre de Cent Ans) a pris fin, mais la France est un pays ruiné, dévasté et rongé par la famine. Les provinces sont toujours aux mains de bandes de rôdeurs armées qui se livrent au pillage et au brigandage. La réorganisation militaire, administrative et financière du pays devint la priorité absolue. Le désordre intérieur était tel que les réformes militaires s'imposaient par priorité. Les dévastations des campagnes par des troupes sans discipline furent portées à l'extrême sous les règnes de Charles VI et de Charles VII. Les états généraux de 1439 réclamèrent espressément que soit mis un terme à ce désordre intolérable et admirent la nécessité de mettre sur pied une armée permanente qui serait soumise à une discipline jusqu'alors inconnue. Ils convinrent également qu'il valait mieux payer une armée régulière, soldée par un impôt annuel, que de laisser ces bandes dépravées piller le pays. Entouré d'hommes de talents comme l'illustre Jacques Cœur dont la devise était « À cœur vaillant rien d'impossible », Charles VII le Bien Servi (1422 - 1461) s'attela à cette délicate et impérieuse tâche.
Avec son ordonnance de 1439, il fixa les grandes lignes de l'organisation de cette nouvelle armée professionnelle, permanente et
régulière composée de vassaux du roi, de troupes fournies par les communes et d'étrangers soudoyés. Charles
VII supprima toutes les anciennes compagnies qui avaient été mise sur
pied par des capitaines sans sa permission et se réserva le droit de
nommer seul ces derniers. Les capitaines ne pouvaient recruter qu'un
nombre limités de gens d'armes et de trait dont ils devaient répondre.
Cette milice définitivement organisée en 1445, fut désignée sous le nom de
« compagnies
d'ordonnance »(NOTE
A). Quinze
capitaines formeront les quinze compagnies composées de cent lances
chacune. Chaque lance qui comptait six hommes : l'homme d'armes, son
page, trois archers et un coustillier recevait une solde. Ces
compagnies furent casernées dans certaines villes d'où elles ne
pouvaient sortir sans la permission du roi. La taille temporaire
jusqu'alors devint permanente pour la solde et l'entretien de ces
compagnies. Ce corps de cavalerie très discipliné et toujours prêt à
marché fut complété, suivant l'ordonnance de 1448, par la création d'une milice d'infanterie composée de francs-archers (NOTE B).
Avec cette nouvelle organisation, le roi portait un rude coup à sa
toute puissante noblesse. La guerre n'était plus l'affaire des
seigneurs mais celle du roi qui assurait ainsi le prépondérance de la couronne.
Le ban sera encore convoqué et les seigneurs continueront de
s'acquitter de leurs devoirs militaires, mais toute la puissance du
royaume, grâce à cette nouvelle institution, était entre les mains du roi.
C'est à la tête de ces unités
de cavalerie que le dauphin, le futur Louis XI, pourchassera et éliminera ces
bandes. Parvenu au trône, Louis XI le Prudent (1461 - 1483)
supprimera en 1479 onze
compagnies
de gens d'armes et les remplacera par onze compagnies de francs-archers. L'élimination de ces grandes bandes ne faisait
par
pour autant de la France un pays sans brigand. Le prévôt
et ses lieutenants
étaient dans l'incapacité de couvrir tout le royaume pour
protéger les populations
des pillards. Les plaintes à l'égard des gens
de guerre ne cessaient d'enfler.
En 1474, Louis XI (1461 - 1483)
permit à Tristan
l'Ermite, alors prévôt des Maréchaux, de commettre
dans chaque province
un gentilhomme pour le représenter avec pouvoir d'assembler les
gens
nobles et autres gens du pays afin de « s'opposer aux gens de
guerre,
avanturiers & vagabons débandés des
armées qui couroient les champs, volant & opprimant le
peuple, de
les
prendre & saisir au corps & les rendre aux Baillifs &
Sénéchaux pour en faire Justice ».
Pour
renforcer ce dispositif, le roi établit un
prévôt des maréchaux dans quelques grandes
provinces particulières, dont le Languedoc, attaché
à leur gouvernement général. Ces officiers eurent
la
liberté de se
choisir des lieutenants et un certain nombre
d'archers pour mener à bien leurs missions. Leur compagnie prit
le nom de maréchaussée. La confiance que le
roi
avait placée entre leurs mains fut ruinée par le
comportement d'hommes mal préparés à cette charge,
mal encadrés et bien souvent peu instruits. Les abus et les
injustices fâcheuses qu'ils avaient commises donnèrent
lieu à de
nombreuses plaintes qui furent rapportées aux États de
Tours en 1483.
Louis XI ordonna au cours de ces États
que «les Prévôts des Maréchaux ou leurs
Lieutenans ne doivent eux,
entre
mettre de juger, appointer ou décider autres matières que
de celles qui
font sujettes à leurs Offices; c'est à sçavoir
touchant le fait de la
guerre & ne doivent en rien prendre connoissance ni Jurifdiction
d'autres matières».
L'action des prévôts des maréchaux ayant été mieux définie, ces simples commissions furent, petit à petit, changées en office de sorte que sous le règne de Louis XII le Père du Peuple (1498 - 1515), toutes les provinces du royaume avaient leur prévôt des maréchaux. Mais, comme le prévôt de la Connétablie, l'action de ces nouveaux prévôts se heurta à l'étendue du pays qu'ils devaient protéger. La couronne, qui n'était pas en mesure d'engager une augmentation de dépenses pour accroître leur nombre, laissa aux provinces la possibilité de nommer et d'entretenir d'autres prévôts et archers qui furent placés sous l'autorité du prévôt des maréchaux. Dans ces nouvelles compagnies que l'on nomma prévôté, le prévôt des maréchaux délégué par le roi dans les provinces, prendra le titre de « prévôt général de telle province » (exemple : le prévôt général de Languedoc) tandis que ses lieutenants seront chargés du titre de « prévôts particuliers ». Ceux nommés par les provinces seront appelés « prévôts provinciaux de tels lieux ». Cela fut plus particulièrement vrai dans la province du Languedoc qui était la plus grande de France. La création de tous ces offices de prévôts conduira Louis XII (1498 - 1515) à donner le nom de « Grand Prévôt » (NOTE C) à celui de sa Cour.
Comme le prévôt
des Maréchaux, les prévôts généraux
étaient pourvus des mêmes pouvoirs de police
limités aux « gens
de guerre ». Bientôt,
chaque sénéchaussée ou bailliage eut son
prévôt
particulier (pour le Languedoc : Toulouse ; Carcassonne ; Beaucaire).
Par lettres
patentes du 20 janvier 1514 portant règlement
pour la discipline militaire, Louis XII (1498 - 1515)
interdit aux
prévôts des maréchaux de se
trouver à la Cour à moins d'y être convoqués
et exige qu'ils chevauchent leur pays avec leurs lieutenants. Il leur
ordonne d'aller de garnison en garnison afin d'y maintenir la
discipline et corriger
au besoin les soldats pour les fautes commises envers les habitants.
Il leur accorde la possibilité de « commettre lesdits prevosts, en
chacune compagnie un homme de bien lieutenant, pour administrer justice ».
Au début du règne de François Ier (1515 -
1547), l'activité des prévôts des maréchaux
se limitait à pourchasser et juger les crimes et délits
commis par les gens de guerre des Ordonnances, les soldats à la
solde du roi et les gens sans domicile : aventuriers, vagabonds, gens
sans aveu, de quelque état et condition qu'ils fussent. Ils
devaient par des annonces faites au public, des publications, ordonner
aux soldats licenciés de rentrer chez eux trois par trois pour
éviter qu'ils forment des bandes, afin de reprendre leurs
anciens métiers sous peine de sanction et d'emprisonnement. Tous
les autres malfaiteurs, y compris ceux mêlés à la
troupe, étaient systématiquement livrés aux juges
ordinaires des lieux.
La
charge de prévôt était des plus périlleuse.
Elle exigeait de celui qui la tenait une robuste santé physique
pour accomplir quotidiennement les chevauchées exigées
par le roi, un caractère
bien trempé
pour se faire respecter et une bonne dose de courage pour affronter des
gens rompus à
l'usage des armes qui
n'avaient pas grand-chose à perdre. Malgré
leur dangerosité et leur faible solde, ces offices
étaient remplis. Il faut dire
qu'à cette
époque où l'honneur était l'une des principales vertus de
la
chevalerie, ces hommes fiers de leurs charges, ne considéraient
pas
leur solde comme unique prix de leurs actions.
Aux guerres
menées contre Henri VIII, roi d'Angleterre, puis contre
l'empereur Charles Quint (V), succédaient les incessants
pillages des gens de guerre débandés ou autre
domicilié ou sans aveu. La paysannerie qui faisait la richesse
du pays était constamment spoliée, volée,
meurtrie. Pour venir à bout de tous ces excès et
désordres, François Ier(1515 - 1547) introduira le
supplice de la roue dans un édit de janvier 1534 (NOTE D).
Les évènements qui se succéderont sous le
règne de ce grand roi, allaient marquer à tous jamais
l'histoire des prévôts des maréchaux.
Au cours du XVe siècle, les juridictions
extraordinaires commencèrent à ce multiplier de telle
sorte que vers la fin de ce siècle, la justice était
divisée en deux grandes familles : la justice ordinaire
et la justice extraordinaire.
Les juges ordinaires avaient une juridiction générale en
matière criminelle. Ils connaissaient dès lors de tous
les faits punissables à l'exception de ceux qu'une loi
spéciale réservait à un autre juge. Les juges
ordinaires étaient les juges des seigneurs, les
prévôts ou châtelains royaux, les baillis et
sénéchaux et les juges des parlements. À
l'inverse, les juges extraordinaires ne pouvaient connaître que
certains crimes qui leur avaient été spécialement
attribués par les ordonnances du royaume. Parmi eux, il y avait
les prévôts des maréchaux, les officialités,
les présidiaux et lieutenants criminels de robe courte, les
juges des élections, monnaies et gabelles, les juges des eaux et
forets, la chambre des comptes, le grand conseil, le lieutenant
général de police, les juges de l'amirauté, les
juges de la connétablie, les juges militaires, etc.
À cette époque, l'ordre et la justice
des généralités étaient principalement
assurés par les baillis et sénéchaux (NOTE E).
Une ordonnance de Charles VI (1380 - 1422) du
27 mai 1413, leur permit de se faire assister par des lieutenants, qui
comme eux et pour eux, faisaient leurs chevauchées dans les
juridictions inférieures, rappelant le bon ordre et jugeant
les affaires courantes. Insensiblement, les baillis et les
sénéchaux s'approprièrent les charges des
lieutenances qu'ils vendirent ou affermèrent. Suivant leur
exemple, les lieutenants firent de
même et créèrent à leur tour des aides. Pour
mettre un terme à ce trafic, Charles VIII (1483 - 1498)
limitera leur nombre à deux. Un lieutenant général
ou principal et un lieutenant particulier remplaçant l'autre en
cas d'empêchement.
L'installation des baillis et des
sénéchaux se fit à une époque où les
jugements reposaient essentiellement sur le droit coutumier et local.
Vers la fin du XIIIe siècle, le droit romain fut
introduit et se substitua peu à peu au droit coutumier. La
multiplicité et la
complexité des affaires décidèrent de
l'étude du droit
et Charles VIII par édit du mois de juillet 1493, exigea que
les lieutenants généraux soient diplômés.
Cinq ans plus tard, Louis XII (1498 - 1515) dans une ordonnance de mars
1498, étendit cette exigence à toutes les charges de
judicature qui ne
furent confiées qu'à des docteurs et des
licenciés. Les
baillis et sénéchaux pour la plupart peu lettrés,
se trouvèrent alors dans l'incapacité d'exercer leurs
charges de judicature et leur rôle se borna à leurs
fonctions militaires. Bien vite, toute l'administration de la
Justice se trouva entre les mains des lieutenants
généraux.
La même ordonnance rehaussa encore la
position de ces derniers en enlevant aux baillis et
sénéchaux le droit de les nommer. Leur nomination
appartint au roi seul qui transforma la lieutenance en office. À
cela, Louis XII exigeait dans l'article 49 de son Ordonnance de 1493,
que le quart des gages
soient attribués aux lieutenants si les baillis et
sénéchaux «ne fussent létrés et
gradués, & qu'ils fissent résidence &
exerçassent en personne leurs offices, auquel cas ils prendront
leurs gages entièrement».
Le ressentiment des Baillis
et des Sénéchaux à
l'égard
de ces dispositions fut tel qu'ils
commencèrent à négliger leurs
missions. Certains d'entre eux contournèrent cette disposition en
vertu de quelques grades obtenus auprès d'universités
complaisantes et exercèrent la plénitude de leur fonction
en s'arrogeant le titre de baillis de robe longue. Cet abus sera
réformé par l'article 48 de l'Ordonnance d'Orléans
de 1560, qui porte que « vacation
advenant, n'y sera par Nous ou nos successeurs pourvu que de personnes
de robe-courte, Gentilshommes, et de qualité requise, sans que
tels offices puissent être vendus directement ou
indirectement ».
Sur le plan international, le royaume de France
était
toujours en guerre pour faire valoir ses droits sur le royaume de
Naples, puis sur le duché de Milan. Lorsque François Ier
fut sacré roi de France le 25 janvier 1515, la quatrième
guerre d'Italie venait de prendre fin, mais le royaume se trouvait dans
une
très mauvaise posture. Pour ne pas soutenir une guerre sur deux
fronts, François Ier
signa un
traité de paix avec Henri VIII, roi d'Angleterre le 5 avril
1515. Au cours de l'été 1515, il
repartit à la conquête du
Milanais et sortit vainqueur de cette cinquième
expédition, en défaisant
ses ennemis à Marignan le 14 septembre 1515. La paix fut
signée le 29 novembre 1516. Cette paix n'apportait pas pour
autant la sérénité dans le royaume. L'état
d'insécurité dans les campagnes était permanent et
les populations excédées firent remonter au roi plaintes
et doléances. François Ier décida
d'engager de grandes réformes qui allaient marquer durablement
l'administration du pays.
Par
Édit
du 8 juillet 1521, il révoqua la
survivance des offices que leur avait accordée Louis XI en 1467.
Cette disposition qui ne donnait plus au roi la possibilité de
nommer à ces postes des personnes capables ou méritantes,
maintenait ces charges dans les mains d'héritiers le plus souvent
ignorants et incapables.
Cette nouvelle exigence rajouta à
la fronde des juges, baillis et
sénéchaux qui exprimèrent leur
mécontentement en ne traitant plus les affaires ou en les
maintenant sans jugement dans des délais intolérables.
Ce comportement irresponsable faisait la joie des malfaiteurs qui
multipliaient leurs méfaits au détriment des populations.
Afin de contrarier cette attitude condamnable, François Ier décida d'ôter aux lieutenants
généraux des bailliages et
sénéchaussées leur compétence en
matière criminelle. Pour cela, il scinda leurs
prérogatives
juridictionnelles en deux disciplines distinctes, une
juridiction civile et une juridiction criminelle. Dans une
déclaration du 14
janvier 1522, il créa un office de lieutenant criminel dans le
ressort de chaque bailliage, sénéchaussée et
prévôté afin de « pourvoir à la
punition et correction des crimes, délicts et maléfices
qui se font et commettent en nostredit royaume, et en faire faire
prompte et briefve justice, pour donner crainte et terreur ausdits
malfaicteurs ».
Désormais les lieutenants-généraux des bailliages
n'avaient compétence qu'en matière civile. Cette
nouvelle situation créa des distensions et de nombreux conflits
entre les baillis, sénéchaux et les prévôts royaux, châtelains et autres
juges inférieurs du royaume. Pour mettre un terme à ces rivalités, François Ier
dans un
édit du 19 juin 1536 donné à Crémieux
réaffirmera la prééminence des baillis et
sénéchaux dans les matières qui leur
étaient attribuées.
Jusque-là, les baillis, sénéchaux
et leurs lieutenants
généraux étaient des magistrats itinérants.
Ils n'avaient pas de siège déterminé et tenaient
leurs assises dans tous les sièges des vicomtés de leur
ressort. Les lieutenants criminels nouvellement créés,
furent au contraire rattachés à un tribunal. Leur office
distintc et séparé de toutes autres charges était
uniquement consacré à juger les affaires criminelles.
Cette disposition qui avait pour but « de faire promte et briefve
justice pour donner crainte et terreur ausdits malfaicteurs »
eut pour mauvaise conséquence de laisser les campagnes sans
surveillance au grand profit des brigands et criminels de toutes
sortes.
Pour corriger ce défaut, François Ier décida dans son édit du 25
janvier 1536 donné à Paris d'étendre
la compétence judiciaire des prévôts des maréchaux et de leurs
lieutenants aux délinquants tenant les champs et opprimant le
peuple « qu'ils ayent domiciles, ou se fussent retirez en iceux, ou
qu'ils fussent errans et vagabons ».
Ils devaient pour cela opérer en flagrant délit et le roi
leur donna la possibilité pour appréhender ces malfrats
ou pour mettre à exécution les décrets de justice, de
faire appel aux vassaux, nobles
et autres habitants du pays pour que force reste à la loi. Dans
le même Édit, François Ier leur attribua également
la
connaissance des crimes et délits que les délinquants
auraient pu commettre en d'autres lieux, antérieurement
à leurs arrestations. Ils devaient sous
trois jours, procéder à la punition et aux
dédommagements des parties suivant leur appréciation en se faisant
aider pour les cas les plus graves de « quatre notables
personnages, gens de sçavoir et conseil de nos officiers ».
Il retira aux prévôts royaux et leurs lieutenants ces cas
de flagrant délit et interdit aux cours, baillis,
sénéchaux et autres juges d'en prendre connaissance. Avec cette loi,
François Ier
attribuait aux prévôts des maréchaux une
juridiction. La maréchaussée devenait une
magistrature armée et sa juridiction prenait
le nom de « prévôtale ».
Deux ans plus tard, pour préserver la faune sauvage des forêts du domaine, François Ier dans une Ordonnance du 12 décembre 1538, attribuait exclusivement aux prévôts des Maréchaux la connaissance des crimes et des délits en matière de chasse. Cette décision fut motivée par la lenteur des procédures et le jeu des renvois devant les baillis, sénéchaux et cours de Parlement, dont les décisions demeuraient inexécutées. Avec le développement des armes à feu, le roi voulait que ces procès soient rapidement exécutés et les sentences effectivement appliquées afin de faire cesser au plus vite le pillage du gibier et le préserver de disparition. Pour stimuler leur zèle en la matière, François Ier par Lettres patentes du 1er juillet 1539 données à Paris, accordera aux prévôts des Maréchaux, la moitié des amendes auxquelles seront condamnées les contrevenants aux Ordonnances sur la chasse et le quart aux dénonciateurs.
En accordant aux prévôts
des Maréchaux le pouvoir de procéder aux
jugements et à la punition des criminels à l'exclusion de
tout autre juge, François Ier plaçait la juridiction
prévôtale au nombre des juridictions
extraordinaires.
Cette
force employée à l'origine pour
mettre à exécution les
ordonnances sur la police générale du royaume allait
être utilisée
pour
purger le pays des brigands qui le ravageaient. Cette
importante
décision inaugurait le régime mixte, militaire et civil
qui
caractérise encore
aujourd'hui la gendarmerie. Ces
nouvelles compétences donneront lieu à la création de nouveaux
prévôts spécialement
attachés aux troupes qui porteront le nom de « Prévôts des armées ».
Si la répression des crimes et délits perpétrés contre les populations campagnardes et pour les faits de chasse portait ses fruits, elle ne plaisait pas pour autant à tout le monde. Pour échapper à l'implacable justice des prévôts des maréchaux et de leurs lieutenants, les condamnés firent appel de leurs sentences devant les Cours de bailliage et de Parlement. Soucieuses de protéger leurs privilèges et vexées de voir leurs positions dominantes remises en cause par une justice qui leur échappait, elles saisirent l'occasion pour s'imposer et n'eurent de cesse de mettre des entraves dans l'exécution des jugements rendus par les prévôts quand elle ne tourmentaient pas les prévôts eux mêmes. François Ier qui venait d'essuyer la fronde les baillis et sénéchaux, n'avait nullement l'intention de voir la justice prévôtale bridée et entravée par les justices ordinaires. Pour imposer ses décisions dans ce contexte permanent de rivalité et de tension, François Ier empêchera les Cours de Parlement, les Baillis ou Sénéchaux et autre juges ordinaires d'entreprendre sur les actes des prévôts, leur en interdira toute connaissance et juridiction etrappellera avec force dans un Édit du premier janvier 1544, les termes du XI e article de l'Ordonnance de 1356 qui attribuait à la seule juridiction de la Connétablie et Maréchaussée de France la connaisse privativement à tous autres juges, les fautes abus & malversations des prévosts & autres officiers des maréchaussées et sa compétente pour juger les crimes et délits commis par les prévôts. Ce rappel fut suivi six mois plus tard de l'ordonnance de juin 1544 par laquelle François Ier interdisait aux Cours de bailliage et de Parlement de prendre connaissance des procédures et des jugements rendus par les prévôts tant sur les faits criminels que sur les faits de chasse. Déclarant également, que dans le cas contraire les jugements rendus par les juges du Conseil ou des Parlements, seraient contraire, et considérés comme une atteinte aux Édits et déclarations, et par conséquent seraient nuls et de nul effet, n'ayant aucune valeur au même titre que si elles avaient été rendues par des juges incompétents.
Un évènement allait mettre en dispute la
juridiction prévôtale avec celle des bailliages. Au mois de septembre
1544,
François Ier signait
avec
l'Empereur Charles Quint (V) un traité de paix. Les troupes furent
licenciées. Bon nombre de ces
braillards se
mêlèrent aux malfaiteurs de toutes sortes pour
écumer la campagne et y
semer la désolation.
Face
à la multitude de ces bandes violentes qui n'hésitaient
pas à piller et commettre des crimes et des délits envers
les populations, François Ier ordonna dans une déclaration
du 3 octobre
1544
que ces misérables seraient poursuivis et jugés par
tous les Baillis, Sénéchaux ou leurs Lieutenants, ainsi
que par les prévôts des Maréchaux de France ou
leurs Lieutenants. Pour entretenir une saine émulation entre les
officiers de ces deux juridictions, le roi accordait pour la
première fois aux Baillis et Sénéchaux la
connaissance et la poursuite des crimes par concurrence et prévention avec les prévôts des
Maréchaux des «... gens de guerre
qui désemparoient le service ou les garnisons & de tous les
vagabons & autres malfaiteurs qui tiennent les champs & y
commettent des vols, des violences ou autres semblables crimes». Il
permettait également aux nobles et roturiers de s'assembler « à
tocquesin, cry public, & autrement, en manière que la force nous en
demeure » pour poursuivre et arrêter les délinquants.
Cette décision avait également été prise
pour faire face
à un autre phénomène qui commençait
à
prendre de l'ampleur et devenait très inquiétant : la
prolifération des armes à feu. Les criminels de tout
genre ou les soldats débandés qui possédaient un
tel armement commettaient des crimes atroces et se livraient dans les
forêts du royaume, à une chasse sans retenue au risque de
faire disparaître le gibier. Le roi dans une déclaration
du
16 juillet 1546, interdit que les particuliers soient porteurs
d'arquebuses ou de pistolets pour la sécurité des
populations et la sauvegarde du gibier. Ceux qui étaient pris
armés sur les routes étaient arrêtés et
pendus sur le champ sans autre forme de procès. La
détention de ces armes était également interdite
et sévèrement punie. Outre les fortes amendes auxquelles
s'exposait son détenteur, les armes étaient
confisquées.
Le 15 janvier 1547, François Ier meurt. Son
fils Henri II (1547 -
1559) dans une déclaration du 26 juin 1547 entend harmoniser l'action
des prévôts subsidiaires (NOTE F)
payés par les provinces avec celle des prévôts des
maréchaux soldés par le roi en les plaçant sous
l'autorité des Maréchaux de France. Henri II veut
imposer son pouvoir et empêcher les parlements (Paris, Toulouse,
Bordeaux et Rouen) d'entreprendre sur les actes des
prévôts provinciaux. Pour cela il décide de
créer trois grands gouvernements militaires en plaçant
sous la responsabilité de chaque Maréchal de France et du
Connétable un certain nombre de provinces du royaume de France
afin qu'ils aient « spécialement l'oeuil, soin & regard pour le
dû de son Etat ».
Dès lors les prévôts, leurs Lieutenants et archers
durent répondre, obéir et exécuter tout ce qui
leur était commandé et ordonné par les
Maréchaux de France du département duquel ils
dépendaient. Le Connétable, par ses prérogatives et
les pouvoirs attachés à son office prit la surintendance
générale sur les pays, provinces
déléguées aux Maréchaux de France ainsi que
tous les autres pays et provinces du Royaume restant. Cependant, en
l'absence d'un Maréchal de France dans son département,
un autre Maréchal ou le Connétable pouvait exercer ses
pouvoirs à sa place.
La confiance que le roi avait placée dans les
maréchaussées était telle qu'après plusieurs
assassinats de juges et d'officiers, il élargit dans un Édit de juillet 1547
donné à Saint-Germain-en-Laye, la connaissance des crimes
par guet-apens aux juridictions prévôtales. Les
assassins, qu'ils fussent gentilshommes ou pas étaient
condamnés à la roue sans possibilité de
commutation de peine. La population fut invitée à
prêter main-forte à leur arrestation en fermant les portes
des cités pour les habitants des villes, en s'assemblant au son
du tocsin pour les villageois. Pour éviter que les malfrats ne
s'échappent et aillent perpétrer semblable forfait dans
d'autres lieux, le roi ordonna que les paroisses environnantes soient
averties et que le signalement de l'auteur leur soit
communiqué. L'assassin devait être remis aux juges des
lieux sinon aux prévôts des maréchaux.
En accordant une nouvelle foi à ces deux juridictions,
différentes et naturellement jalouses l'une de l'autre, le droit
de connaître les mêmes crimes, Henri II et comme avant lui son père
François Ier ouvrait la porte aux interminables querelles et
conflits de juridictions qui allaient naître entre elles.
Les rivalités entre les juges ordinaires et les prévôts des maréchaux furent très vite utilisaient par les malfaiteurs comme un moyen d'échapper à la justice prévôtale en prétextant l'incompétance des prévôts des maréchaux. L'argument était bien trop beau pour ne pas être exploité par les justices ordinaires qui s'empressèrent d'entreprendre sur la juridiction des prévôts. de leurs droits et l'occasion de s'imposer pour se prévaloir d'une supériorité position de s'engoufrer dans la brèche Pour clarifier la situation entre les différents juridictions, Henri II précisa dans son l'Ordonnance du 5 février 1549, les attributions de chacun, notamment celles des prévôts dont les jugements exécutoires et sans appel ne pourront se faire qu'en présence de "sept bons et notables personnages ou gens de savoir qui seront tenus, s'ils sont appelés, d'être présent sous peine d'amende".
L'article 266 de l'ordonnance de Blois (février 1579) retira
officiellement la voix délibérative des baillis et
sénéchaux dans les affaires contencieuses en ces terme
:« les baillis et sénéchaux pourront, si bon leur semble,
assister à tous jugements qui se donneront en leur siège,
sans néanmoins y avoir voix ni opinion
délibératives, ni pour se prendre aucun émolument ».
Afin de soulager les Cours de Parlement
instituées pour juger les affaires de grandes importance, Henry
II créait par l'Édit
de Fontainebleau
du mois de janvier 1551, les
présidiaux. Ces tribunaux furent établis pour juger en
dernier ressort ou par provision les affaires de moyennes importantes.
Ils devaient réduire les délais des procès, mettre
un terme au système abusif des appels utilisé par ceux
qui avaient trouvé là un moyen d'échapper au
paiement de leur condamnation et rapprocher le système
judiciaire des particuliers obligés jusqu'alors, d'engager des
frais très importants pour aller plaider leurs causes dans les
Parlements. Soixante présidiaux furent créés, dont
trente-deux dans le ressort du Parlement de Paris. Leur nombre sera
augmenté par la suite. C'était des
juridictions intermédiaires entre les tribunaux des
Sénéchaussée et les
cours de Parlements qui jugeaient les affaires
civiles et criminelles. Ces juridictions prirent le nom de celles des
baillis et des sénéchaux comme ont peut le lire dans les
articles de l'Édit de Crémieux de 1536.
Cependant, les prérogatives de ces nouveaux tribunaux
étaient très différentes des premières.
C'est pourquoi à compter de la mise en application de cet
Édit, le nom de présidiaux ne fut plus donné aux
justices des baillis et des sénéchaux.
Deux grands principes présidèrent à leur
création. Premièrement, juger les affaires civiles dont
l'objet était inférieur à 250 livres tournois en
capital ou 10 livres tournois de rente ; deuxièmement juger les
affaires d'appel dont l'objet était compris entre 250 et 500
livres tournois en capital ou jusqu'à 20 livres tournois de
rente. Pour être définitif, le jugement devait être
rendu par sept juges, faute de quoi, un appel pouvait être
interjeté devant la cour de parlement. Il est à noter que
la procédure d'appel n'avait aucun effet suspensif mais
seulement dévolutif.Pour compléter cette architecture
judiciaire,
il créera par édit du mois de novembre 1554, les
"Lieutenants de Robe
Courte" chargés « d'informer & d'instruire les
procès de tous les
crimes
qui étoient de la compétence des Prévôts des
Maréchaux Provinciaux
& qu'ils auront séance tant aux audiances qu'en la Chambre
du
Conseil après les Conseillers". Ils pourront "
requérir ce que
bon
leur semble pour le
bien de la
justice ».
Cette nouvelle création conduira le Roi à supprimer
les prévôts
provinciaux avec leurs lieutenants, leurs greffiers et archers (NOTE E) auxquels
il
reprochera incompétence et inefficacité. D'autre part, il
estimait que
le paiement des soldes de ses armées, qu'il s'engageait à
effectuer
d'une manière régulière et complète,
était le moyen le plus efficace
avec « l'aide des prévosts de
nos Connestable & Mareschaux de France & Gouverneurs de nos
pays & pareillement des Lieutenans criminels, Juges Ordinaires
que nous avons establis & entendons establir es Sieges Presidiaux
& aucuns des Sieges Royaux de nostredit Royaume" pour "
faire totalement cesser lesdites pilleries, rançonnemens &
oppressions & tout autre tord et délit ».
En
plaçant à la tête d'unité militaire les
Lieutenants de
Robe Courte, qui étaient eux-même soumis à
l'autorité des lieutenants
criminels, Henri II compter mettre un terme à l'éternelle
rivalité
des présidiaux et des Parlements qui entravaient
la juridiction prévôtale. Mais le commandement de ces
compagnies
d'archers par
un magistrat civil fut un échec. La discipline se relâcha
et les villes
et provinces qui souffraient des désordres des malfaiteurs
réclamèrent
avec insistance le rétablissement des prévôts.
Cette situation
perdurera jusqu'à
la promulgation d'un nouvel Édit au mois de septembre 1555 qui
les rétablira dans leurs fonctions.
Dans son Ordonnance de 1560 dite Ordonnance d'Orléans, Charles IX (1560 - 1574) confiant dans l'action des prévôts, leurs redonnera leur place de chef miliaire et de magistrat et fixera les obligations de leurs charge. Cependant, cette décision sera entachée par la médiocrité du prévôt général de Guyenne qui avait négligé sa tâche. Les plaintes répétées des villes et populations, finiront par irriter Charles IX qui décidera de supprimer son office. Il le remplacera par trois Gentilshommes qui prendront le titre de vice-sénéchaux et qui seront pourvu d'un lieutenant, d'un greffier et de vingt archers. Cette décision sera appliquée dans plusieurs provinces du royaume et pour celle du nord ces Gentilshommes prendront le nom de vice-baillis. Par cette nouvelle création, le roi limitait la compétence territoriale de ces officiers de maréchaussée au baillage ou sénéchaussée (d'où leur nom) tandis que celle des prévôts s'exerçait sur toute l'étendue du gouvernement ou de la province dont ils s'intitulaient. Pour garantir à ses sujets une protection honnête et sans excès (NOTE G), un règlement du 14 octobre 1563 définira avec plus de justesse leur juridiction ainsi que celle de leurs lieutenants. Ces dispositions seront suivies, dès l'année suivante, par un édit plus complet et précis connu sous le nom d'Édit de Roussillon. À l'ensemble de ces dispositions, Charles IX, dans son Ordonnance du 11 novembre 1570, décida que les prévôts provinciaux, leurs lieutenants, les lieutenants de robe courte et les archers faisaient désormais partis du corps de la gendarmerie. En les plaçant sous l'autorité des maréchaux de france, le roi s'assurait de leur fidélité, de leur dicipline et de la mise en application des différentes Ordonnances.
Pour compléter les pouvoirs judiciaires des prévôts, Henri III (1574 - 1589) établit par Édit du mois de mai 1581 les procureurs du Roi en chaque juridiction des prévôts des maréchaux, vice-baillis, vice-sénéchaux, leurs lieutenants et lieutenants de robe courte. Les effectifs de ce dispositif était une nouvelle fois augmentés en décembre 1594, lorsque Henri IV le Grand (1589 - 1610) créa en titre d'office un assesseur dans toutes les juridictions afin d'assister les prévôts des maréchaux dans l'instruction des procès au lieu d'être assisté par un conseiller du siège du Présidial le plus proche ou à défaut et selon l'Édit de Charles IX un juge royal. Ces nouvelles dispositions, conduiront Louis XIII le Juste (1610 - 1643) dans une Ordonnance de 1639 à unifier en une seule et même charge, celle de prévôt et celle de lieutenant de robe courte.
D'autres ordonnances, édits et déclarations viendront ajuster, préciser et compléter la compétence des prévôts des maréchaux et définir leurs devoir et responsabilité. En 1670, Louis XIV le Grand (1643 - 1715) promulguera sa grande Ordonnance dite "Ordonnance criminelle" qui reprendra l'ensemble des dispositions existantes à l'égard de tous les acteurs de la chaine judiciaire et redéfinira un règlement général applicable à la procédure criminelle. Cette situation perdurera jusqu'à l'Édit du mois de mars 1720 qui supprimera toutes les maréchaussées du royaume.
Prévôt général,
prévôt provincial, prévôt
diocésain, prévôt en chef, lieutenant de robe
courte, vice-bailli,
vice-sénéchal, la multiplicité des titres
créés au fil des ans et la
diversité des compétences d'une province à l'autre
étaient à l'origine des
maréchaussées.
Elles avaient été mises sur pied en tenant compte
des différences régionales, des susceptibilités
des gouverneurs,
des velléités d'indépendance des unes par rapport
aux autres, des
titres de noblesse dont pouvaient se prévaloir les
prévôts au
détriment de leur capacité à assumer la charge,
etc.. Cela entraîna un
relâchement dans la
discipline qui avait été fortement
accentué lorsque, par l'Édit
de
mars 1639, Louis XIII augmenta d'une manière imprudente
le nombre des offices de la couronne. Cette opération lui permit
de
faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'État par la
vente de
ces nouvelles charges, mais elle créa un malaise intérieur
très
grave. Pour les nouveaux offices de prévôts, on
créa le titre de «
prévôt en chef ». Afin
d'être attractive, cette nouvelle charge permettait à son
possesseur
d'être indépendant du prévôt
général. A TOULOUSE, elle fut occupée par Jean
Falcon qui avait autorité sur toute la
généralité. (Ce titre
fut supprimé par édit de février 1659 et Falcon
fut
maintenue en la fonction comme lieutenant en chef du
prévôt général).
La mise en place de ces unités était aussi le
résultat de plusieurs ajustements, de nombreuses adjonctions, de
tâtonnements. Cette
mosaïque difficilement commandable obligeait en une refonte totale
du
système afin de
lui donner une nouvelle organisation plus simple, plus efficace, mais
surtout plus uniforme.
Après le décès de Louis XIV en 1715, il faut se rendre à l'évidence, les maréchaussées sont moribondes. Deux siècles après leurs créations, et alors que les mentalités et les moeurs du royaume avaient bien évolué, que les circonstances avaient produit mille réformes dans les usages, qu’un nouvel esprit militaire s’était imposé dans les armées, la maréchaussée à peine effleurée par ses changements était restée hors du temps. Lorsque Louis XV(1715 - 1774), sous la régence de Philippe d'Orléans, monta sur le trône, les compagnies croulaient sous la vétusté de leurs anciens fondements. Leurs manières de vivre, de s’habiller, de fonctionner étaient restées pratiquement inchangées depuis leur création. L'abus de vénalités et la médiocrité des traitements alors fixés pour des années par ordonnance sans prendre en compte la cherté de la vie eurent des conséquences funestes pour la maréchaussée. Le relâchement était tel que les officiers et archers des compagnies de maréchaussée ne faisaient pratiquement plus leur travail. Pour subsister, nombre d'entre eux exerçaient un second emploi. Il était urgent de stopper cette dérive à laquelle le secrétaire d'État Claude Le Blanc s'attela. Louis XV adressa dans un premier temps à toutes les maréchaussées du royaume, une Ordonnance datée du 1er juillet 1716 devant servir de règlement pour le service, la police et la discipline au sein de ce corps. Parmi les mesures prises, le roi décidait de regrouper tous les archers et officiers dans le lieu d'implantation de la compagnie, de scinder les unités de chaque compagnie en deux groupes permettant par roulement de battre continuellement la campagne par l'un des groupes, l'autre traitant les affaires à la résidence, d'instituer des certificats de passage que la troupe en patrouille devait faire signer par les magistrats ou les autorités des lieux visités, d'instaurer un système de gratification pour la capture de criminel ou de déserteur et de montrer une très grande sévérité à l'égard des Archers indisciplinés à l'égard de leur hiérarchie. Mais cette mesure ne suffit pas à elle seule à redresser une situation devenue dangereuse. Toujours sous la régence de Philippe d'Orléans, Louis XV promulgua l'Édit de mars 1720 qui supprimait toutes les maréchaussées du royaume au profit d'une nouvelle maréchaussée unique, composée de trente-trois compagnies correspondant aux trente-trois généralités du royaume. Elles furent organisées sur un même pied et réparties uniformément dans tout le pays. Chaque compagnie était placée sous les ordres d'un prévôt général qui conservait sa double fonction d'officier militaire et d'officier de justice. Secondés par des lieutenants, tous les prévôts du royaume étaient pourvus des mêmes pouvoirs et attributions.
Sur le plan militaire, les nouveaux prévôts des maréchaux furent mis à la tête d'une structure militaire hiérarchisée et disciplinée sur le modèle des troupes de ligne. Pour le seconder, on adjoint au prévôt des officiers particuliers que l'on nomma "lieutenants de prévôt", mais aussi des exempts, des brigadiers, des sous-brigadiers et des cavaliers de Maréchaussée. Les attributions de ces personnels furent réglées dans l'Ordonnance du 16 mars 1720 et dans la déclaration du 26 février 1724. Comme l'Édit d'août 1564, celui de 1720 ne dérogea pas à la règle selon laquelle tous les prévôts et leurs lieutenants devaient être reçus au siège de la Connétablie du palais à Paris dès lors qu'ils étaient établis dans leurs fonctions.
En qualité d'officier de Justice, l'Ordonnance
imposait aux prévôts des maréchaux, la connaissance
des mêmes matières
qu'ils devaient traiter
suivant les formes prescrites par les Ordonnances notamment celle de
1670. Ils disposaient d'un tribunal composé d'assesseurs, de
procureurs
du roi et de greffiers spécialement établis à cet
effet. Ils siégeaient
dans le présidial dans le ressort duquel s'était commis
le délit ou le
crime.
Si l'infraction relevait d'un cas prévôtal, le
prévôt se déclarait
compétent et instruisait l'affaire conjointement avec un
assesseur.
Dans le cas contraire, celle-ci revenait aux juges du présidial.
La
structure des maréchaussées et l'étendue des
provinces avaient généré
deux dispositions particulières qui permettaient aux exempts des
maréchaussées d'informer en cas de flagrant délit
ou de capture et de
donner au cavalier la possibilité de donner des assignations aux
témoins et d'argumenter dans l'instruction des procès
prévôtaux
uniquement (déclaration du 28
mars 1720).
Le jugement se faisait toujours conjointement avec
les officiers du siège et le prévôt des
maréchaux. La décision de
jugement était obligatoirement prononcée par le
président du
siège au nom du prévôt.
Dès la mois de mars 1720, chaque généralité du royaume eut une compagnie de maréchaussée. Cette réforme qui entendait gommer toutes les disparités, maintint cependant au corps l'ensemble des missions dont on l'avait chargées au fil du temps. Ainsi les cours prévôtales, les procureurs du roi et les greffiers restèrent attachés aux prévôtés dans chaque juridiction. Après avoir été reçus à la connétablie et maréchaussée de France au siège de la table de marbre du palais à Paris, les prévôts et leurs lieutenants durent prêter serment aux parlements et autres cours immédiatement après leur nomination. Pour marquer la rupture, un nouvel uniforme remplaça l'antique armure et un autre harnachement succéda à l'ancien. Le financement de ces compagnies n'était plus assuré par les provinces mais par l'État qui dans un soucis d'uniformité établit un tarif de solde unique. Le complet de cette nouvelle maréchaussée fut fixée à 2800 hommes pour tout le royaume. La maréchaussée de France en 1737 était organisée en 1 compagnie de la Connétablie, 1 compagnie de l'Ile de France, 30 compagnies réparties dans les trente généralités du royaume et 1 compagnie de la prévôté générale des monnaies dont les archers étaient détachés d'une manière permanente dans toutes les villes où se trouvait un hôtel des monnaies.
Un élément de très grande
importance allait lui
aussi bousculer l’institution. Il était apparu en 1566,
lorsque Charles
IX dans son Ordonnance dite de Moulins, avait pour la première
fois
subordonné certaines actions de la Maréchaussée au
pouvoir judiciaire.
C'est ainsi que les chevauchées des prévôts et de
leurs archers
devaient être certifiées par les juges royaux. Les
personnels nommés
devaient faire reconnaitre leur compétence par les
présidiaux et
étaient dans l'obligation de mettre à exécution
les décrets de la
justice ordinaire. Louis XV ira au delà en confiant à la
haute
magistrature une partie des prérogatives jusqu'ici relevant du
domaine
exclusif des Maréchaux de France. Les chefs de cours et les
procureurs
généraux furent chargés suivant l'ordonnance du 14
mars 1720 et l'arrêt
du Conseil d'État du 8 janvier 1724, de la surveillance de la
maréchaussée. Ils eurent le droit d'informer les
ministres de la guerre
et de la justice de la mauvaise conduite de cette troupe et de sa
négligence dans l'exécution des mandats de justice.
Placés sous
l'autorité de ces hauts magistrats en tout ce qui concerne la
justice,
les prévôts furent tenus d'exécuter leurs ordres et
prêter main forte aux huissiers et autres officiers de justice.
L'accroissement des tâches confiées à la
maréchaussée imposa une
nouvelle augmentation de ses effectifs qui furent portés
à 3322 hommes
en 1763.
Ce contrôle sera complété par celui des intendants
placés à la tête des
généralités auxquels le roi confia en 1668, la
charge de passer en
revue les compagnies. Par l'Ordonnance de 1716, il augmentera leurs
pouvoirs en leur attribuant le droit de sanctionner tout manquement
à
la discipline et à l'exécution du service.
En 1766, le décès de Stanislas de Lecksinski roi titulaire de Pologne, duc de Lorraine et de Bar entraîna la cession au royaume de France des territoires de la Lorraine. Cette cession fut suivi le 15 mai 1768 par celle de la Corse remise à la France par la république de Gênes puis par celle du comtat d'Avignon réuni au royaume par un arrêt du parlement de Provence du 11 juin 1768. Cette augmentation du territoire, conduisit Louis XV à accroitre le corps de la maréchaussée de 200 brigades par un Édit du 1768. Le 24 mars 1772 fut créée une nouvelle compagnie de maréchaussée spécialement destinée au service des voyages et chasses du roi. Placée sous les ordres des maréchaux de France elle fut soumise aux mêmes règles que les autres. Á la mort de Louis XV, le complet du corps s'élevait à 4000 hommes. La maréchaussée languedocienne en 1780 comprenait un état-major et 4 lieutenances: Montpellier, Le Puy, Carcassonne, Toulouse.
Pour combler les défaillances qui apparurent avec les transformations qui s'imposaient, Louis XVI, apporta plusieurs ajustements au corps dans son Ordonnance du 28 avril 1778 qu'il complètera par celles du 18 septembre et 20 octobre de la même année. L'éparpillement des unités sur le territoire et les attributions de compétence entraîna la création des grades de sous-lieutenants et de maréchaux des logis qui devinrent intermédiaires entre ceux de lieutenant et de brigadier. Les grades d'exempt et de sous brigadier furent supprimés. Pour pallier l'absence des cavaliers malades ou en mission, des cavaliers surnuméraires attachés aux prévôts et aux lieutenants furent créés. Il étaient rémunérés des deux tiers d'une solde normale.
Les trente trois compagnies des généralités furent réparties en six divisions à la tête desquelles fut mis un inspecteur général ayant rang de mestre de camps (colonel) et dont le rôle était de passer en revue deux fois par an les lieutenances. Ils étaient accompagnés dans leurs inspections par les commissaires des guerres. Ces ordonnances confirmèrent aussi les missions attribuées à la maréchaussée et son rôle. Elles seront d'ailleurs reprises dans la loi du 28 germinal An VI, puis dans l'Ordonnance du 29 octobre 1820 et enfin dans le décret du 1er mars 1854.
Soumise aux réquisitions et surveillance de la magistrature, aux inspections de lieutenants généraux nommés pour la circonstance, aux directives du ministre de la guerre, aux ordres des intendants, des gouverneurs et commandants des provinces, la maréchaussée n'était plus sous la tutelle exclusive des Maréchaux de France. Cette évolution inéluctable mit le corps de la maréchaussée à la disposition des autorités administratives et judiciaires du pays.
En 1791 la connétablie, les maréchaux de
France,
les cours
prévôtales et les prévôts des
maréchaux furent supprimés.
Malgré leur aversion pour tout ce qui pouvait rappeler l'ancien
régime,
les révolutionnaires conservèrent la
maréchaussée.
Trop occupés à combattre l'ennemie sur les
frontières, ils
devaient pouvoir compter sur une force structurée, bien
implantée
sur le territoire et formée à un rôle de police
pour maintenir
l'ordre à l'intérieur du pays et faire appliquer les
nouvelles
lois.
Le licenciement de toutes les troupes au prétexte qu'elles
avaient été créées et qu'elles avaient
servi le pouvoir
monarchique était inapplicable. Dans son article 3 du Titre II
de la
loi du 25 pluviôse an V, le Conseil des Cinq-cents stipulait "qu'à
l'exception des officiers de gendarmerie que le Directoire jugera
à
propos de conserver dans la nouvelle formation, dans le grade qu'ils
occupent actuellement, nul ne pourra être nommé au grade
de chef de
division ou d'escadron, s'il ne justifie de six ans de service comme
officier, sans interruption dans tous les grades inférieurs au
sien,
antérieurement à sa nomination, et s'il n'a dans son arme
au moins
le grade correspondant à celui auquel il sera nommé"
et de
préciser dans son article 4 que "le Directoire
exécutif,
pourra choisir lesdits officiers dans toutes les armes...".
La maréchaussée fut réunie en un seul corps militaire et prit le titre de gendarmerie nationale par la loi du 16 février 1791. Avec la grande réforme de 1720 initiée en grande partie par le secrétaire d'État Claude Le Blanc, la maréchaussée avait déjà accomplie sa révolution. Sa réunion en un seul corps, sa militarisation sur le modèle des troupes, son emploi par les autorités administratives et judiciaires, la qualité de ses sous-officiers et cavaliers qui devaient maîtriser la lecture, l'écriture et dont les qualités morale et physique devaient être parfaites, la valeur de ses officiers qui ne tiraient plus leur légitimité de leurs titres de noblesse mais de leurs compétences militaire et judiciaire, son implantation sur tout le territoire et sa proximité avec les populations correspondaient déjà aux idées révolutionnaires.
Si le titre de prévôt des maréchaux ne fut plus en usage, s'est qu'étymologiquement il n'avait plus de sens. En effet les maréchaux de France ayant été supprimés, leur préposés ne pouvaient plus exister. Désormais, le corps entier n'était plus dans les attributions de messieurs les Maréchaux de France mais dans celles du Ministre de la Guerre qui le réorganisa suivant un nouveau découpage territorial : les départements. Le titre que la convention attribua aux prévôts ne fit plus référence à leur état de subordination à ces grands officiers de la couronne mais fut directement lié à la hiérarchie militaire. Ainsi le chef d'une division était le commandant des unités de gendarmerie implantées sur quatre départements, le chef d'escadron, le chef des unités implantées sur deux départements. Le Ier vendémiaire an XII (22 septembre 1803), un arrêté supprimera le titre de chef de division pour le remplacer par celui de colonel. Outre leur grade, ces officiers prendront le titre de chef de légion, commandant de légion, commandant de circonscription etc... pour être appelés de nos jours "commandant de région".
Le Languedoc et partant sa maréchaussée furent
scindés en deux.
Toulouse capitale du haut-Languedoc devint le siège de la 9ème
division, composée des départements de la Haute-Garonne,
du Gers, des
Hautes Pyrénées et des Basses-Pyrénées.
Montpellier fut rattaché à la 11ème
division dont le siège fut fixé à Aix. Cette
division était
composée des départements des Bouches du Rhône, du
Vaucluse, du Gard et
de l'Hérault.
Louis XVI nomma pour Toulouse le lieutenant-colonel Basquiat
en remplacement de René
Jean Gabriel DE COSTE,
dernier prévôt général de
Languedoc.
Lorsque le roi faisait la guerre, il appelait sous les drapeaux sa noblesse et si celle-ci ne suffisait pas on convoquait l'arrière-ban, c'est-à-dire non seulement les nobles, mais encore toutes personnes sans distinction, en âge de porter les armes. Si ce mode de recrutement convenait à des luttes particulières entre seigneurs (guerre qui prenait le nom de chevauchée), il ne convenait pas à des guerres contre des puissances étrangères. La guerre de Cent Ans mit en évidence l'insuffisance de la milice féodale qui devait au roi quarante jours et quarante nuits de service militaire annuellement. Pour les retenir au-delà de cette durée légale, le roi n'avait d'autre choix que de les solder, mais l'emploi de ce moyen exigeait le consentement des vassaux et de l'argent, deux choses difficiles à obtenir et il n'était pas rare de voir les troupes se débander au moment de l'action et abandonner leur chef. Pour faire face à cette situation, la couronne, au cours des XIIe et XIIIe siècles, fit de plus en plus appel à des troupes stipendiées pour remplacer les milices féodales. Philippe-Auguste enrôla de nombreux corps de mercenaires qui malheureusement, licenciés immédiatement après la cessation des hostilités, se livraient au pillage, habitués qu'ils étaient au désordre, à la paresse et à l'insubordination. La noblesse, qui pendant quarante jours prenait les armes par suite de leurs obligations féodales ne recevait aucune rétribution. Au XIIIe siècle, la couronne changea cette disposition et tous les vassaux furent soldés dès le premier jour de leur engagement. L'emploi des mercenaires ne disparut pas pour autant.
Par ordonnance de 1448 Charles VII le Bien Servi (1422
- 1461) prescrivit à chaque paroisse de
lever et d'entretenir un archer apte physiquement et habile au tir de
l'arc lequel devait s'exercer les dimanches et jours de fête et partir
en guerre à l'appel royal. Pour le prix de son service, l'archer
jouissait de l'exemption des tailles (impôts). Cette exemption qui
était un moyen indirect de le solder lui fit porter le nom de
franc-archer. Pendant le temps du service, le paroisse lui versait une
somme d'argent d'environ quatre livres, ce qui peut paraître important
pour l'époque mais qui devait permettre au franc-archer de s'habiller,
s'équiper et s'armer à ses frais.
Le franc-archer portait par dessus son pourpoint une jaque espèce de
justaucorps venant au moins jusqu'aux genoux formé de trente toiles
battues et renfermées entre deux cuirs de cerf. On accordait une grande
confiance à cette pièce défensive que l'on recouvrait quelquefois d'un
corselet de lames de fer. Le franc-archer se coiffait d'une salade,
casque sans crête et sans visière. Il était armé d'un arc et de sa
trousse ou carquois et d'une épée de moyenne longueur.
En 1451, Charles VII organisa le corps des francs-archers en
capitaineries. Chaque capitaine qui recevait une solde de dix livres
par mois, était chargé de passer en revu une fois par semestre ses
archers.
Louis XI porta
en 1469 le nombre des francs archers à 16 000. Cet effectif fut divisé
en quatre corps de 4000 hommes commandés chacun par un capitaine
général sous le commandement d'un chef unique.
Pour recruter ces hommes, la France fut divisée en quatre régions
militaires formant chacun la circonscription où chaque capitaine
général devait recruter ses soldats. Chaque corps de 4000 archers se
subdivisait eu huit bandes de 500 hommes chacune. La première de ces
bandes restait sous les ordres immédiats du capitaine général. Les
autres sept bandes étaient placées sous les ordres d'un capitaine.
L'importance et le prestige de la charge de "Grand Prévôt" fut telle que cette fonction fut bien vite réservée aux grands seigneurs. Pour honorer le cardinal de Richelieu, Henry III lui donnera le nom de "Grand prévôt de France et prévôt de l'Hôtel du Roi". Ce titre lui donnant autorité sur les prévôts des maréchaux, vice-baillis et vice-sénéchaux.
"....Que tous ceux et celles qui d'oresnavant seront trouvez coulpables desdits délicts, crimes et maléfices, et qui en auront esté deuëment attaints et convaincus par justice, seront punis en la manière qui s'ensuit : c'est à sçavoir les bras leur seront brisez et rompus en deux endroits, tant haut que bas avec les reins, jambes et cuisses, et mis sur une rouë haute, plantée et enlevée, le visage contre le ciel où ils demeureront vivans pour y faire pénitence, tant et si longuement qu'il plaira à nostre Seigneur les y laisser, et morts jusques à ce qu'il en soit ordonné par justice, à fin de donner crainte, terreur et exemple à tous autres de ne choir, ne tomber en tels inconvéniens, et ne souffrir, n'endurer telles et semblables peines et tourmens pour leurs crimes, délicts et maléfices : en faisant par nous inhibitions et défenses sur semblables peines à toutes personnes de quelque estat ou condition qu'elles soient, de toucher, secourir ou ayder lesdits délinquans condamnez ausdites peines et exécutions ainsi faites, en quelque façon ou manière que ce soit."
Le supplice de la roue a été aboli par la
loi du 38 septembre 1791.
Jusqu'à la fin du XIIe siècle, la justice dans le royaume
était principalement exercée par les cours seigneuriales
et ecclésiastiques. Pour les terres relevant du domaine, la
couronne avait institué des prévôts royaux (ne pas
confondre avec les prévôts des maréchaux).
C'étaient des juges ordinaires, tenant leur institution du roi
et ayant les mêmes attributions que les juges féodaux. Ils
furent également appelés dans diverses provinces
vicomtes, viguiers ou châtelains royaux. Ces juridictions
perdirent de leur importance au fur et à mesure de
l'installation des juges royaux qui prirent le nom de baillis pour le
nord et sénéchaux pour le sud. À l'origine,
Philippe-Auguste institua les baillis et sénéchaux pour
parcourir les provinces avec leurs compagnies de sergents afin de les
purger de ses malfaiteurs et d'y maintenir la paix, en prendre
l'administration temporaire et
corriger les abus des officiers subalternes. C'étaient des
officiers d'épée ou de robe courte, car à cette
époque l'administration de la justice était liée
à l'état militaire. Ils étaient chargés de
l'administration des finances, du commandement militaire et de
l'administration de la justice souveraine. La couronne, pour
étendre son autorité, imposer son pouvoir et
l'unité de son royaume, compris l'importance d'arracher aux
juridictions féodales leurs droits. L'établissement des
ces juridictions royales ne fut qu'une longue lutte ouverte contre ces
justices locales. Pour dépouiller les juges inférieurs
des affaires qui leurs appartenaient, l'appel de leurs jugements fut
renvoyé devant les cours de baillage. Le deuxième moyen
de domination fut la création des cas royaux. On entendait par
cas royaux, les crimes et délits dont la connaissance
était réservée aux officiers du roi c'est à
dire aux baillis et sénéchaux et quelquefois aux cours de
parlement. Il fallait rajouter à cela les cas
privilégiés qui étaient les affaires dans
lesquelles était mis en cause des nobles, des
ecclésiastiques, des officiers de judicature. Enfin, pour
imposer leur puissance judiciaire et étendre leur juridiction,
les baillis et sénéchaux s'arrogèrent le droit de
poursuivre les crimes et les délits par prévention. Ce
principe deviendra une règle et les articles 4,5 et 6 de
l'ordonnance de novembre 1554 en généraliseront
l'application.
Art. 1 : Et premierement par statut & Ordonnance perpetuels & irrevocables avons supprime & aboly supprimons & abolissons lesdits Prevosts des Mareschaux Provinciaux, leurs Lieutenans, Greffiers & Archers Et ne voulons que d'oresnauant il y en ait autres que les Prevosts des Connestable, Mareschaux de France & Gouverneurs de Picardie, Champagne, Isle de France, Lyonnois, Forests & Beaaujolois y comprenant Auvergne & Bourbonnois & pareillement de Bourgongne, Dauphiné, Languedoc, Guyenne, Normandie & Bretagne, avec leurs Lieutenans, officiers & Archers.
À la demande des Provinces, le roi pouvait accorder la création d'une maréchaussée provinciale. Il en fixait l'effectif, en désignait les officiers et chargeait la province de les rétribuer. Cette disparité entre prévôts provinciaux et prévôts des maréchaux contribuait aux éternelles dissensions entre officiers mais aussi à des collusions fâcheuses entre les prévôts provinciaux et les diocèses dont ils dépendaient financièrement.
"...Il ne sera reçu d'officiers qui n'aient fait bonne preuve de noblesse, qui n'aient 5oo livres de rente en fonds de terre, qui n'aient commandé quatre ans dans les armées, qui ne soient de bonnes vie et mœurs. Ils prêteront serment entre les mains du Parlement. Il faudra qu'ils soient gens de savoir et de probité après inquisition de leur vie et conversation, seront examinés par deux conseillers maîtres des requêtes ou conseillers des cours souveraines commis à cet effet par le chancelier pour voir les informations de probité avant que de sceller les lettres desdits officiers."
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